La journée se terminait, il restait à peine une heure avant l'heure du dîner et la fermeture de la bibliothèque, mais la tenante du lieu donnait l'impression de risquer l'implosion avant ça. Elle semblait réellement à bout de nerfs. Severus pouvait la comprendre, il commençait lui aussi à en avoir assez. Et pourtant, il n'était pas contraint de rester là toute la journée et de gérer la négligence de la masse d'élèves qui y traînaient.

La bibliothèque de Poudlard n'avait sans doute jamais été un lieu aussi prisé qu'elle l'était devenue depuis ce double transfert temporel amenant des élèves en provenance du futur et du passé à côtoyer ceux de l'époque présente. Une fois le choc initial passé, une bonne partie des élèves avait été saisie d'une soudaine frénésie les poussant à se précipiter en masse à la bibliothèque, persuadés qu'ils y trouveraient la clé du mystère. Les quelques habitués du lieu avaient rapidement déterminé que tous les livres traitant de près ou de loin du voyage temporel avaient été empruntés, vraisemblablement par les professeurs, mais cela n'avait en rien découragé la majorité des élèves, qui avaient fait un jeu de cette quête d'informations : nombre d'auteurs se plaisant à digresser, qui pouvait garantir qu'une information inédite sur les retourneurs de temps ne se cachait pas dans un livre de cuisine ou dans un guide de quidditch ? Du moins, c'était le prétexte donné par les élèves pour continuer à traîner dans la bibliothèque en s'amusant à chuchoter des hypothèses devenant plus extravagantes de jour en jour. Ils auraient pu faire ça ailleurs, pour le peu de recherche réelle qu'ils accomplissaient, mais Severus soupçonnait qu'ils avaient réalisé que la bibliothèque pouvait constituer un refuge, puisque tant que le niveau de perturbation demeurait minimal, les Carrow n'y intervenaient pas.

Severus pouvait admettre leur besoin de décompresser. D'autant que la plupart des élèves étaient peu habitués à contrôler leurs penchants puérils : devoir éviter toute insolence, retenir toute exubérance que ce soit dans les couloirs ou les salles de classe, manger dans un silence oppressant... tout cela était pour le moins pesant. Mais ces chuchotements incessants entrecoupés de rires étouffés n'en étaient pas moins agaçants ! Et pire que tout, ces élèves prenaient des livres juste pour faire semblant de travailler, et ils ne prenaient pas soin de les remettre à leur place quand ils avaient terminé, ce qui faisait que ceux qui souhaitaient réellement consulter les livres ne les trouvaient pas ! Cela tenait du crime aux yeux du Serpentard.

Néanmoins, cette négligence ne l'affectait pas excessivement, puisqu'il prenait désormais des mesures préventives, marquant avec un petit sort inoffensif les ouvrages qu'il souhaitait retrouver et les dissimulant avec un notice-me-not afin que les incrustes ne soient pas tentés de se les accaparer.

Il aurait bien évidemment souhaité pouvoir se documenter sur les voyages temporels, mais puisque ce n'était pas possible, il n'allait pas se gêner pour profiter de l'opportunité que la situation représentait : imaginez, avoir la possibilité de parcourir les résultats des recherches en matière de théorie magique des deux décennies qui suivraient sa propre époque, quelle occasion unique ! Durant cet intervalle, plusieurs découvertes fascinantes avaient ébranlé certaines convictions bien ancrées dans le domaine des potions - et il se plaisait à penser que lui-même, enfin son lui-même plus âgé, n'y était pas étranger - et le domaine des sortilèges avait aussi plusieurs innovations, bien que moins révolutionnaires. Pour le chercheur dans l'âme qu'était Severus, cet aperçu des innovations futures valait bien tous les désagréments, ou presque. Déjà, les idées se bousculaient dans sa tête, il entrevoyait de nouvelles pistes à explorer.

Assis à sa table habituelle, dans le coin du fond proche des rayons traitant de l'Histoire de la magie, il ne tarda pas à s'absorber complètement dans la lecture d'un tome consacré au contrôle de la température et de la pression, au point d'en oublier ce bruit de fond persistant.

Le soleil se couchait doucement. La journée était enfin terminée. Elle fut longue : entre les cours, les repas ainsi que les devoirs, plus le temps de prendre un peu de temps pour soi, ce qui attristait profondément le sixième Weasley. Ron est un jeune homme qui n’aime pas s’ennuyer, qui préfère faire des choses qui lui plaisent (comme la plupart des adolescents de son âge), quoique la plupart des gens dans la moyenne tentent de réussir à l’école et d’avoir de bonnes notes, bref, tout ce qu’il faut pour s’assurer un avenir. Ne vous méprenez pas : Ron veux avoir un avenir, percer dans la vie, sortir de l’ombre de ses cinq frères. Mais il déteste travailler, de tout son être. Rester assis durant une magnifique journée à étudier ses cours d’Histoire de la Magie ? Très peu pour lui. C’est pourquoi il préférait travailler le soir, tard (un peu trop même), pour avoir l’impression de pas perdre du temps. Il en perdait tout de même lors des matinées libres , où il aurait pu travailler mais non. Ronald se sentait bien dans sa routine.

C’est donc l’unes des rares fois de son existence que le rouquin se dirigea vers la bibliothèque pour travailler. En effet, Hermione lui avait promit de lui passer un livre à propos des propriétés magiques de certaines plantes magiques venimeuses, mais elle avait complètement oublié ce service et était allée porter le livre en question. Bien évidemment qu’il l’avait pardonnée, c’était Hermione quand même, mais sur le coup, il fut découragé. Sans ce livre, pas de devoir, donc il dut se rendre de sa propre initiative à la bibliothèque. Ce n’était pas trop loin de la salle commune, mais il aurait bien aimé ne pas avoir à s’y rendre…Seul , surtout. Harry était quelque part (il ne savait pas trop où) et Hermione était partie se reposer dans son dortoir. La bibliothèque fermait dans une heure et demie, donc le temps qu’il s’y rende, dans une heure la bibliothèque sera fermée.

Arrivé à destination, il fut tout de suite accueilli par un regard plutôt acide de la part de Mme. Pince. Génial, ça commençait bien. Hermione lui avait dit à peu près où se rendre. Un peu perdu, il chercha l’allée en question durant quelques instants. Se promenant d’allées en allées, il se rendit compte d’une chose : même dans un lieu aussi restreint, le rouquin n’as aucun sens de l’orientation. Il ne sut pas vraiment comment, mais il se retrouva dans l’allée traitant de la métamorphose. Faisant demi-tour, exaspéré, il finit par se diriger vers l’allée portant le nom d’Histoire de la Magie, décidant qu’après tout, il fallait bien commencer quelque part. Il allait commencer par cette allée puis toutes les faires en considérant celle-ci comme un point de départ pour finalement trouver celle qu’il cherchait, l’allée sur la botanique. Ça sonnait comme un bon plan.

Mais alors qu’il s’aventurait dans l’allée d’Histoire de la Magie, il tomba sur un élève qui semblait plutôt préoccupé. Il lisait un livre avec grand intérêt. Pourquoi chercher ce bouquin dans toutes les allées alors que ce sympathique élève pourrait l’aider ? Enfin, sympathique, ça dépend, mais il était rare que les élèves de Poudlard soient désagréables les uns envers l’autre…La seule exception étant les Serpentard vis-à-vis les Gryffondor. Déposant son sac sur la table en prenant bien soin de ne pas déranger la manière dont l’élève avait placé ses affaires , il s’installa en face de lui avant de se racler la gorge d’une manière plus où moins subtil et plus où moins élégante. Il n’attendit pas que l’élève relève les yeux avant de lui poser sa question. « Hum, excuses-moi ? Sais-tu, par hasard, où se trouve l’allée de sur la botanique ? Je la cherches depuis un moment et je ne la trouves pas…» Lorsque l’élève releva la tête, Ron étouffa un hoquet de surprise et se releva d’un bond. C’était le professeur Rogue, où bien son portrait craché parce qu’ils se ressemblaient vachement ! Sur le coup, il reprit son sac et s’empressa de s’excuser, ne désirant pas une retenue du professeur qu’il déteste. « Excusez-moi Professeur, je n’avais pas vu et…» Mais après avoir observé de plus près, il se rendit compte qu’en effet , c’était bien le professeur mais il semblait si…Jeune ! Oui, c’était probablement le Professeur Rogue plus jeune. Ron n’avait jamais été un pro dans les déductions, mais là, il ne se trompait pas. Il côtoyait ce professeur depuis plus de sept années. « Professeur Rogue, vous, ici ?! » Il n’était pas très poli, ni délicat mais ce n’était qu’un élève. Des tonnes de questions brûlaient ses lèvres mais il préféra attendre que Rogue-Jeune lui répondes avant de continuer…

/!\ Rappel : Les personnes s'étant inscrits à l'intrigue des disparus ne peuvent pas faire de rps en dehors de la salle sur demande. Si vous voulez continuer ce rp, demandez à un admin de le déplacer dans un ancien épisode.

Severus en était arrivé au cinquième chapitre de l'ouvrage et s'efforçait d'analyser les formules empiriques proposées par l'auteur quand il perçut l'approche de quelqu'un. Si absorbé qu'il fût par sa quête d'informations, il n'oubliait jamais de prêter attention à son environnement. Des années passées à être systématiquement martyrisé par un groupe d'élèves avec la bénédiction des professeurs lui avaient appris à ne se fier à rien ni personne, à prendre des mesures pour assurer sa propre sécurité, et donc à faire preuve d'une vigilance constante.

Il s'abstint toutefois de réagir à cette présence, avec un peu de chance le garçon ne ferait que passer. Malheureusement, cette hypothèse dut rapidement être révisée, l'autre ayant déposé son sac sur la table. Il semblait vouloir s'installer. Et effectivement, juste après, il s'assit en face de Severus.

Quelque peu agacé d'être ainsi dérangé, le Serpentard choisit délibérément de lire encore quelques lignes, sans lever les yeux alors même que l'autre se raclait la gorge pour attirer son attention.

« Hum, excuses-moi ? Sais-tu, par hasard, où se trouve l’allée de sur la botanique ? Je la cherches depuis un moment et je ne la trouves pas…»

Se résignant finalement à interrompre sa lecture, Severus releva la tête et observa pour la première fois celui qui lui faisait face. Grand, dégingandé, très roux, peu assuré. Il ne le connaissait pas, mais il le reconnut. C'était le Weasley qui accompagnait le rejeton Potter. Il avait déjà collecté quelques informations à son sujet. On le disait bruyant, impulsif, drôle, goinfre, entêté, doté des manières d'un troll et de la capacité émotionnelle d'une huître, imperméable à la rationalité, partisan du moindre effort, excellent joueur d'échecs mais incapable de penser stratégiquement dans la vie courante, obsédé par le quidditch mais dévoué à la pire équipe que l'Angleterre ait jamais vue voler, facilement tourmenté par l'envie ou la jalousie, absurdement loyal.

Mais à en croire le hoquet de surprise qui suivit, le Serpentard n'était pas le seul à avoir su identifier son vis-à-vis. Le Gryffondor se leva d'un bond, et Severus retint une grimace au bruit que fit la chaise en raclant le plancher. Cependant, en dépit de ce mouvement précipité, le Weasley ne semblait pas se décider à s'éloigner, il bafouillait des excuses incompréhensibles.

« Excusez-moi Professeur, je n’avais pas vu et…»

Ou pas si incompréhensibles que ça. Apparemment, le Gryffondor avait réagi comme s'il était le Snape plus âgé, le Démon Graisseux, la Terreur des Cachots, la Hantise des Gryffons, entre autres sobriquets divertissants qu'il avait entendu utiliser pour qualifier l'actuel directeur. Même s'il n'en montra rien, Severus trouva plutôt amusant de constater que son autre soi avait si bien conditionné ses élèves qu'un septième année bondissait et reculait comme s'il était terrifié rien qu'en le voyant.

Mais étant donné que le rouquin était resté à proximité en le regardant avec des yeux agrandis par la surprise, il avait dû réaliser sa méprise. D'ailleurs, voilà qu'il ouvrait à nouveau la bouche, sans doute pour se reprendre et sauver la face...

« Professeur Rogue, vous, ici ?! »

Ou pas.

Severus peinait à déterminer si le Weasley était trop stupide pour avoir réalisé qu'une version plus jeune du Snape qu'il connaissait faisait partie des immigrés temporels, ou si par une boucle logique qui lui échappait il avait simplement déterminé qu'il était préférable de s'adresser à la version jeune avec le même titre honorifique que la version plus âgée.

Et puis franchement, quelle réponse attendait-il à une question pareille ? De toute évidence, il était bien Severus Snape, et il était bien ici, Weasley pouvait aisément le constater et aucune confirmation n'était nécessaire.

Après quelques instant passés à fixer le Gryffondor avec une certaine incrédulité, marquée par un sourcil expressivement haussé, Severus décida que chercher à saisir le fonctionnement vraisemblablement erratique des circonvolutions mentales de son vis-à-vis ne lui apporterait rien si ce n'est une migraine, et que le mieux à faire était de le faire dégager pour retrouver sa tranquillité. Surtout que le rouquin s'était mis à le contempler d'un air spéculatif qui ne lui disait rien qui vaille. Il pressentait que s'il ne parvenait as à s'en débarrasser, il allait amèrement le regretter.

« Pour rejoindre la section de botanique à partir d'ici, regagne l'allée principale, remonte six rangées, tourne à gauche et remonte encore deux blocs. La botanique est juste derrière. Les rayons sont étiquetés en vert clair, préfixe BT pour la botanique générale, BT-MM pour la botanique médicale, BT-TC pour les techniques de culture, BT-XX pour la défense contre les plantes dangereuses. Les suffixes indiquent le niveau recommandé, P pour le cycle préparatoire, A pour le cycle d'apprentissage correspondant aux BUSE, E pour le cycle d'expertise correspondant aux ASPIC, M pour le cycle de maîtrise. Cela dit, la plupart des ouvrages dotés de ce dernier suffixe et tous ceux de niveau supérieur se trouvent dans la Réserve. »

Severus avait débité cette tirade sur un ton neutre, tout en fixant le Weasley d'un air passablement ennuyé. Il se doutait qu'un élève ayant réussi à passer six années à Poudlard sans même savoir où se trouvait la section de botanique et incapable de s'orienter au sein de la bibliothèque ne retiendrait rien de ces explications, mais il était dans sa nature d'être précis et exhaustif, et il n'avait pas pour habitude de modifier sa manière de s'exprimer pour se mettre à la portée des ignares qui l'entouraient.

Estimant avoir été parfaitement clair quant à son désir d'être laissé en paix, il se replongea ostensiblement dans la lecture.