Sometimes, the only safe thing is to take a chance.

En ce deuxième samedi de septembre, de très bon matin, Severus était retourné sur le bord du lac, à son emplacement préféré. Exactement une semaine auparavant, il se tenait au même endroit à la même heure, et quelqu'un l'y avait rejoint. Une pure coïncidence, ou un pied-de-nez de la destinée, peu importait. Le fait était que cette rencontre l'avait tant affecté que le Serpentard s'était tenu éloigné du bord du lac toute la semaine écoulée.

Il lui avait fallu du temps pour accepter que ce qui lui avait été révélé ce matin-là était la vérité. Pour assimiler que c'était réellement arrivé. Pour réaliser qu'il lui fallait continuer à mener sa vie comme il le pouvait en dépit de cette espèce de fatalité qu'il savait planer et ne pouvait ignorer.

Il estimait qu'après s'être accordé une semaine pour encaisser le choc, il était à présent plus que temps pour lui de regarder la réalité en face, et de cesser de faire preuve de lâcheté. C'est en partie pour cela qu'il était revenu en ce lieu. En partie aussi parce qu'il avait bon espoir que celui qu'il y avait rencontré la dernière fois y revienne un jour prochain. Leur conversation avait été interrompue par son départ précipité. A présent que sa stabilité mentale était recouvrée, il se devait d'y remédier. D'une part parce qu'il avait contracté une dette envers l'autre jeune homme, et d'autre part parce qu'il se posait encore de nombreuses questions, sur lesquelles un nouvel échange était susceptible d'apporter un éclairage. Et puis aussi, même s'il ne se l'avouait pas ouvertement, parce que le Gryffondor lui-même avait éveillé sa curiosité, et que cette curiosité avait été attisée depuis qu'il avait mis la main sur sur des notes prises par son futur-lui.

Severus ne s'attendait pas vraiment à ce que le Gryffondor vienne précisément ce matin-ci, mais tandis qu'il venait d'achever une série de ricochets et avait à peine entamé une cigarette de sa fabrication, il entendit quelqu'un commencer à descendre le petit chemin caillouteux menant à cette berge isolée. Il saisit sa baguette et se tint prêt à se défendre si nécessaire car il tenait à rester vigilant, mais il reconnut bientôt la silhouette du jeune homme. Il remit donc sa baguette dans son étui. Et attendit que l'autre septième année se rapproche, gardant les yeux tournés vers lui. Quand le Gryffondor le remarqua, il le salua d'une inclinaison de la tête, voulant lui indiquer qu'il était le bienvenu s'il souhaitait le rejoindre, mais que le Serpentard ne s'imposerait pas s'il souhaitait plutôt rester tranquille.

Well, this is awkward...

Severus suivit des yeux l'approche du fils de Lily. Cette fois encore, il se sentit légèrement perturbé par son regard. Il se demanda s'il finirait par s'y habituer. Il se demanda si son futur-lui, après toutes ces années, avait fini par s'y habituer.

Mais le Serpentard n'était manifestement pas le seul à se sentir plutôt mal à l'aise. Le Gryffondor ne paraissait pas en mener très large non plus. Peut-être avait-il tenté de l'ignorer, de se détourner, de faire demi-tour dès qu'il l'avait aperçu ? Si tel était le cas, il s'en était néanmoins abstenu, faisant honneur aux valeurs de sa Maison. Il fut même le premier à prendre la parole, après avoir pris une grande inspiration.

« Salut... »

Rien de transcendant, certes, mais comme Severus était bien en mal lui-même de décider comment entamer la conversation, ce n'est pas lui qui jetterait la pierre cette fois-ci.

« Bonjour. »

C'est là que ça se compliquait. Par principe, Severus détestait les échanges de plaisanteries qui étaient supposés débuter toute conversation entre gens civilisés : il trouvait ça futile et superficiel, et considérait ça comme une perte de temps. Il avait appris à le faire, bien sûr, car tout Serpentard se doit de maîtriser l'art de la conversation quels que soient ses penchants naturels, mais il se voyait mal mettre en pratique un tel artifice dans ce contexte. Quoique, ça pourrait être amusant d'observer la tête du Gryffondor s'il entamait la discussion en évoquant la météo du matin : "Un temps brumeux, mais il paraît que ça se dégagera dans la matinée. Il devrait faire suffisamment beau pour voler, non ?"

Ce pourrait être vraiment amusant. Vu ce qu'il savait des relations entre Potter Junior et l'autre Snape, sa réaction vaudrait sûrement son pesant de bombabouses. Mais ce n'était pas le moment.

Pour tout de même faire preuve de civilité et laisser un peu de temps au Gryffondor pour se mettre un minimum à l'aise, il lui fit signe de s'asseoir, puisqu'il s'était remis au même emplacement que la fois précédente et qu'il y avait de la place pour deux sur ces rochers, et lui proposa ensuite une cigarette. Évidemment, il ne s'offenserait pas s'il préférait en prendre une dans son propre paquet plutôt que se risquer à tester une cigarette manifestement artisanale, mais il estimerait tout de même que c'était un tort. Au moins, ses cigarettes à lui étaient dépourvues de toutes ces saletés d'additifs, c'était bien moins nocif. Quitte à se droguer, autant tâcher de ne pas s'intoxiquer en même temps.

Il attendit ensuite de voir si le Gryffondor souhaitait lancer le sujet ou s'il devrait s'en charger.

Feet on the ground, head in the clouds.

Severus ne s'impatienta pas tandis que le Gryffondor s'installait. Il n'était pas contre quelques instants de plus pour se préparer mentalement à ce qui suivrait probablement : même s'il avait consacré beaucoup de temps à son occlumancie au cours de la semaine écoulée pour remettre son esprit en ordre après la tourmente causée par les différentes révélations qu'il avait reçues, il ne s'était pas attendu à se retrouver face au fils de Lily dès ce matin-là.

Les deux jeunes hommes, que la quasi-totalité de ceux qui les connaissaient auraient probablement jugés incapables de se croiser sans tenter de mutuellement s'étriper, se retrouvèrent donc à partager un moment, apparemment tranquille, à fumer au bord du lac. Même la vue du ridicule briquet gryffondoresque n'arracha pas la moindre remarque acerbe au Serpentard, qui s'en trouva même plutôt amusé. Au point qu'il se demanda brièvement s'il n'avait pas remis quelques trucs à l'envers ou au mauvais endroit en faisant du ménage dans sa tête... ce n'était pas ainsi qu'il était supposé se sentir. Mais bon, après tout, cette situation toute entière était tellement en dehors des marges habituelles qu'elle justifiait des réactions également en dehors des marges habituelles.

Une fois encore, c'est le Gryffondor qui rompit le silence le premier. Severus préférait qu'il en soit ainsi. Lors de son départ précipité, la dernière fois, il avait déclaré qu'il se tiendrait à disposition si Potter Junior souhaitait renouer cette discussion, et il se sentait donc tenu de ne pas faire le premier pas, même s'il avait encore un grand nombre de réponses à obtenir. Il était prêt à respecter le choix de l'autre jeune homme, même si ça ne l'arrangeait pas, car son sens de l'honneur l'exigeait. Mais manifestement, il n'était pas le seul à avoir encore des questions.

« Parle moi encore d'elle... s'il te plait... »

Severus avait tourné son regard vers lui, et une fois de plus, il se sentit intrigué tant Potter Junior se comportait différemment de ce à quoi il s'attendait. Le manque d'assurance et l'humilité étaient des caractéristiques qu'il ne trouvait aisé d'associer ni à l'héritier de James Potter, ni au fils de Lily, ni au Survivant Sauveur du monde sorcier. Alors comment se faisait-il que ce jeune homme, qui était pourtant tout ça à la fois, ait une telle attitude ? Il y avait là un mystère. Et la nature inquisitrice du Serpentard exigeait qu'il cherche à résoudre les mystères. Nul doute qu'il chercherait plus tard à élucider celui-ci.

Pour l'heure néanmoins, il réfléchit à ce qu'il pourrait raconter au fils de Lily. Il y avait tant de choses qu'il pourrait dire... Il peinait à imaginer ce qu'était grandir sans connaître ses propres parents, sans rien savoir sur eux directement. Enfant, Severus aurait certainement pensé que c'était une bénédiction : bien des nuits, il s'était rêvé orphelin. Mais en grandissant, au contact de véritables orphelins, il avait réalisé que ne rien savoir de ses propres origines, se sentir sans racines, pouvait également être extrêmement lourd à porter. Il espérait que le fils de Lily n'avait pas été confronté à une telle situation.

Il ne lui fallut pas longtemps pour trouver ce qu'il allait dire : le balai du Gryffondor lui en donna l'idée. Et comme le cercle du secret était toujours en place, puisqu'il s'agissait d'une magie primitive liée au lieu et que nul n'avait dérangé les pierres depuis la semaine dernière, il se contenta de lancer un Mufflatio comme unique précaution supplémentaire avant de se mettre à raconter.

« La dernière fois, tu m'avais demandé si ta mère aimait le quidditch... Eh bien, je dois te dire que si le goût de voler sur un balai est héréditaire, tu le tiens indubitablement de ton père. »

Severus se félicita mentalement : il avait réussi à évoquer dans une même phrase Lily et James Potter et leur statut marital sans laisser percer la moindre rancune ou amertume. Il avait fait du bon travail. Son occlumancie était solide, et ses sentiments étaient suffisamment séparés pour qu'il puisse évoquer les faits sans s'en sentir excessivement affecté. Il se sentait presque totalement détaché de tout ce qui concernait les Maraudeurs, et la Lily dont il parlait était celle qui avait été son amie, pas celle qui l'avait trahi, pas celle qu'il avait condamnée en rapportant une prophétie.

« Lily... Elle a développé une allergie au vol sur balai dès la toute première leçon de vol, en première année. C'était une leçon en commun entre Gryffondor et Serpentard, j'étais donc présent. Et dès le début, elle avait un air plutôt dubitatif : à ses yeux, les balais n'étaient ni élégants, ni confortables, ni même pratiques, tout juste un moyen de transport archaïque qu'elle laisserait volontiers aux vieilles sorcières avec des pustules sur le nez. C'est à peu près textuellement ce qu'elle m'avait dit quand nous étions allés ensemble acheter nos fournitures au Chemin de Traverse, peu avant la rentrée. Mais elle tenait vraiment à s'intégrer, alors le jour de la leçon elle n'a rien dit et elle a essayé.

Il lui a fallu quelques essais, mais elle a finalement réussi à décoller, et même si elle n'était pas très à l'aise elle réussissait à se maintenir en l'air. Mais là, il a fallu que James Potter et Sirius Black cherchent à impressionner la galerie, puis qu'Alberic Avery décide de s'en mêler, et ça a soudain tourné à la pagaille... Lily s'est retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment, elle ne maîtrisait pas suffisamment son balai pour esquiver, elle est tombée, et elle a passé deux jours à l'infirmerie. Après ça, elle a décrété qu'il n'y avait rien de plus stupide que voler sur un balai, que si elle voulait voler un jour elle prendrait plutôt un avion ou un tapis volant, et elle s'est débrouillée pour ne plus prendre part aux leçons. »

Un léger sourire amusé se dessina sur les lèvres de Severus à ce souvenir. Il revoyait la tête qu'elle avait fait en lui expliquant tout ça. Tout était tellement plus simple en ce temps-là... Le sourire se teinta de regret et il poursuivit pour conclure son récit.

« A ma connaissance, elle n'est plus jamais remontée sur un balai. Mais ça ne l'a pas empêchée d'assister à chaque match auquel Gryffondor participait pour encourager les joueurs de sa Maison. Elle estimait que c'était important de montrer qu'ils étaient une Maison soudée. Et je crois que même si elle disait que c'était un jeu stupide, elle appréciait les matchs et leur côté spectaculaire. »

Estimant avoir terminé de répondre la question, Severus fit tomber les cendres de sa cigarette qui avait continué à se consumer pendant qu'il parlait, et tira une bouffée qu'il estimait bien méritée. Même s'il ne souffrait plus d'une déstabilisation mentale affectant son jugement, il restait pénible d'évoquer ce type de souvenirs. Mais celui-ci avait été nécessaire pour s'acquitter de sa dette. Et si le Gryffondor acceptait de poursuivre l'échange, d'autres seraient également nécessaires.

Il laissa un peu de temps à Potter Junior, observant sa réaction, tirant une autre bouffée, puis il proposa d'enchaîner.

« Nous sommes quitte, à présent. Mais si tu souhaites continuer, je suis partant. Comme tu dois t'en douter, j'ai encore de nombreuses questions. Concernant la résolution de la guerre notamment : les journaux se sont montrés bien peu clairs à ce sujet. Et sans vouloir t'offenser, j'ai quelque peine à croire qu'un adolescent n'ayant même pas terminé sa scolarité ait pu vaincre le Seigneur des Ténèbres en combat singulier... »

Le Serpentard arqua un sourcil interrogatif, tout en conservant une attitude relativement détendue, sans trace d'agressivité. Il cherchait simplement à comprendre. A ce qu'il avait compris, cette guerre avait façonné sa vie entière, alors il était important pour lui de comprendre comment elle s'était déroulée, quel rôle son futur-lui y avait joué.

Et s'il voulait vraiment tenter d'altérer le cours des évènements, il lui fallait impérativement connaître autant de détails que possible.

Severus & Harry

Spoiler:

The pain of war cannot exceed
the woe of the aftermath.

.

Le silence s'établit à nouveau, et Severus commença à se résigner à l'idée que l'échange allait vraisemblablement s'arrêter là. Il n'en était pas vraiment étonné. Une telle situation était trop... déphasée, trop absurde pour durer : ni lui ni le Gryffondor ne devaient être à l'aise à l'idée de confier des informations aussi sensibles à quelqu'un qui devrait être considéré comme un ennemi.

Quoiqu'en fait, en ce qui concernait le Serpentard, il se sentait davantage perturbé par la facilité avec laquelle il acceptait Potter Junior. Était-ce parce qu'il ne pouvait s'empêcher de voir Lily à travers lui ? La Lily de son enfance, celle qu'il avait considérée comme sa seule amie, celle qu'il avait aimée comme sa propre sœur ? Était-ce parce que chaque fois qu'il croisait ses yeux, il avait l'impression de voir le même regard que celui que lui retournaient les miroirs ? En tout cas, il se trouvait toujours anormalement incapable de détester le Gryffondor. Et il se fiait anormalement à sa discrétion, pressentant contre toute logique qu'il tiendrait parole et ne répèterait pas ce qu'il apprenait de lui.

Finalement, après un moment passé à fumer en silence, le Gryffondor eut un haussement d'épaules et commença à parler.

« Je ne sais pas trop quoi répondre à ça. Une chose est sûr c'est que je n'aurais jamais réussi seul à le faire. Si je n'avais pas eu mes amis, Dumbledore, toi... il aurait peut être été encore en vie et je ne serais pas là pour te raconter tout ça. Mais une chose est sûr, c'est que je devais le faire. Pas parce qu'une prophétie le disait ou parce que le monde sorcier entier l'attendait mais tout simplement parce que je me le devais à moi même. Il a tué mes parents, beaucoup de personnes qui m'étaient proches, il s'est amusé à me torturer à chaque moment de ma vie pour finir par me détruire. C'était à moi de le tuer et à personne d'autre. Je n'aurais pas supporté que quelqu'un le fasse à ma place. »

Le petit rire désabusé que laissa alors échapper le fils de Lily mit Severus intensément mal à l'aise. Ce n'était pas un rire qu'il avait envie d'associer au fils de celle qui avait été sa meilleure amie. C'était un rire qui en disait un peu trop sur une existence qui avait dû être plus chargée en responsabilités et en regrets que celle de bien des vieillards.

Concernant ce qu'il venait d'entendre, une fois de plus, Potter Junior avait fait preuve d'une humilité plutôt déconcertante, surtout pour un Potter et un héros Gryffondor. Mais surtout, il avait complètement éludé la question. Cette réponse fournissait à Severus des informations sur la personnalité du Survivant et sur ses alliés, mais elle ne précisait rien quant à la manière dont ça s'était passé.

L'information la plus utile là-dedans, c'était la confirmation que le Seigneur des Ténèbres, sous l'emprise de sa folie, s'était laissé obséder par son désir de vengeance, au point d'en oublier complètement des objectifs autrement plus importants que l'élimination d'un enfant. Il était regrettable que le fils de Lily ait dû en souffrir. Tout comme il était regrettable que cela ait mené le camp des Ténèbres à la défaite. Severus ne doutait pas que, s'il avait été en pleine possession de ses moyens, le Seigneur des Ténèbres aurait emporté la victoire, et que les changements qu'il aurait introduits dans le monde sorcier auraient été bien loin de cette parodie mise en place durant l'année où il avait été au pouvoir.

Si Severus voulait avoir une chance de changer l'avenir afin que le monde magique survive, il lui apparaissait de plus en plus clairement qu'il fallait avant tout empêcher que la folie s'empare du Seigneur des Ténèbres...

Il écouta attentivement le Survivant poursuivre, espérant glaner encore quelques informations utiles, même si la réponse était copieusement éditée.

« Mais je me rends bien compte qu'à cause de lui je suis devenu un tueur avant mes dix huit ans. Je ne regrette pas d'avoir tué Voldemort mais je pense à Tom Jedusor, lui il ne méritait peut être pas de finir comme ça... »

Severus ne chercha pas à dissimuler un petit rictus cynique. Potter Junior n'était pas le seul à être devenu un tueur avant d'avoir atteint sa majorité. Et lui au moins, il était acclamé pour l'avoir fait plutôt que blâmé et rendu coupable alors qu'il avait simplement fait ce qu'il fallait pour pouvoir survivre.

Mais le Serpentard laissa rapidement ces pensées de côté, car la suite révélait enfin un élément concret susceptible de l'aider : Voldemort s'était appelé Tom Jedusor ? Severus l'ignorait. Mais à présent qu'il avait un nom, il allait pouvoir chercher. Il dissimula soigneusement sa réaction, mais il se sentait très excité à l'idée de cette nouvelle piste à explorer. Et si ça se confirmait... Jedusor n'était pas un nom sorcier, du moins pas à sa connaissance. Se pouvait-il que les doutes de Regulus soient fondés ? Severus ne partageait pas le point de vue de son ami, qui en bon héritier Black était un puriste du sang alors que lui-même se souciait peu de cette prétention de pureté, mais tout de même, ce serait fabuleusement ironique que le Seigneur des Ténèbres ait réussi à tromper tous ces Sang-Pur sur ses véritables origines...

Mais là encore, il s'agissait de pensées à garder pour plus tard. Pour l'heure, il ramena toute son attention sur le Gryffondor, et constata que son humeur à lui s'était assombrie. C'était compréhensible. Parler de la guerre devait lui être aussi pénible que parler de Lily l'était pour lui. Et en tant que bon suivant des préceptes de la Lumière, il n'avait probablement jamais appris l'occlumancie, et n'avait donc pas les moyens d'étouffer efficacement ses émotions.

Les paroles suivantes du Gryffondor semblèrent confirmer cette supposition. La discussion devenait apparemment trop pénible pour lui.

« Je ne sais pas si je vais te poser d'autres questions sur elle. Je crois que ça me fait davantage de mal que de bien que de penser à elle...»

Déçu, mais capable de comprendre ce point de vue, Severus inclina brièvement la tête en signe d'acceptation. Il aurait aimé continuer, et il pouvait être persuasif quand il le voulait, mais il se sentait très réticent à l'idée de manipuler le fils de Lily. Surtout que, pour ce qu'il avait lu et entendu et pour le peu qu'il en avait vu lui-même, Harry Potter semblait être quelqu'un de bien qui avait déjà dû endurer trop de souffrances. Severus n'avait pas vraiment envie de contribuer et d'ajouter à sa peine sans raison impérieuse de le faire.

D'ailleurs, après avoir pris lui aussi une dernière bouffée de sa cigarette, il se surprit à offrir ce qui aurait presque pu ressembler à une tentative de réconfort, si c'était venu d'un autre que lui. Le Serpentard n'était pas de ceux qui offrent du réconfort, jamais.

« Tu l'as tué parce tu savais que c'était la meilleure option que tu avais. C'était préférable à le laisser tuer ceux que tu aimais, détruire ce à quoi tu tenais. Parfois, il n'y a pas de troisième voie. Si à un moment il existait une autre possibilité, les propres choix du Seigneur des Ténèbres l'ont supprimée il y a bien des années. Ni toi ni personne ne devrait se blâmer ou être blâmé pour avoir voulu vivre. »

Il eut ensuite un léger haussement d'épaules, tâchant de ne pas montrer combien il se sentait gêné d'avoir dit une chose pareille. Il enchaîna rapidement.

« Et je peux concevoir qu'il te soit pénible d'en apprendre sur ta mère de cette manière... mais je dois te prévenir. Je connais Lily. Et je peux te garantir que si tu ne cherches pas à aller vers elle, c'est elle qui viendra vers toi. »

Severus réalisa que dit comme ça, ça pouvait sonner comme un avertissement ou une menace, alors que ce n'était pas le cas. Regardant directement le Gryffondor, il compléta donc.

« Elle voudra te connaître. Savoir qui est son fils. Te dire qu'elle est fière de toi. »

Spoiler:

Spoiler:

Spoiler 2:

What happened to little Tommy
to make him so desperately angry ?

.

Le temps que Severus finisse de parler, le Gryffondor avait également terminé sa cigarette, et ce dernier ne perdit pas de temps à sortir son paquet pour en reprendre une autre. Severus envisagea brièvement de refuser quand il s'en vit proposer une, car une cigarette avait suffi à le calmer suffisamment et car il préférait utiliser les siennes, mais il jugea inutile de risquer de rompre le semblant de cordialité qu'ils entretenaient pour un motif si dérisoire. Il prit donc une cigarette avec une inclinaison de tête pour indiquer son remerciement.

Cette fois-ci, le silence n'eut pas le temps de réellement s'installer, car Potter Junior reprit la parole juste après, avec des propos expliquant le rire amer qu'il avait laissé échapper.

« Celle-là je l'ai souvent entendue... "Harry, je connaissais bien tes parents et je peux te dire qu'ils doivent être fier de toi". Je m'attendais pas à ce que toi tu la prononces un jour. »

Severus arqua un sourcil, plutôt amusé à dire vrai. Il pouvait voir l'humour de la situation. Il pouvait comprendre que cet humour devait paraître plutôt grinçant à l'orphelin. Mais si le Gryffondor pensait qu'il avait dit cela dans une optique de réconfort, il lui attribuait des motifs bien plus nobles que ceux qui animaient le Serpentard. Severus avait énoncé ça comme un simple fait : en faisant la connaissance d'un enfant qui serait le sien, Lily affirmerait sa fierté parce qu'il était dans son caractère de le faire. Que son futur-fils soit reconnu par le monde sorcier comme un héros n'était qu'une circonstance secondaire. Elle agirait de la même manière en se découvrant un fils collectionneur de cartes chocogrenouilles ou un fils membre du front de libération des gnomes de jardin.

« Ne le prends pas mal mais ce n'est pas le fait qu'on ait discuté civilement aujourd'hui et la fois dernière qui va réussir à effacer les souvenirs que j'ai de toi. C'est plus ou moins perturbant de te voir me dire que j'ai bien de tuer Voldemort ou que ma mère doit être fière de moi quand je repense à toutes les fois où tu m'as dit que j'étais arrogant comme père, à tout ce que tu m'as fait subir en cours de potions ou d'occlumencie... Mais j'apprécie quand même... »

Le fils de Lily continuait dans la même veine, et ça avait un côté amusant de l'entendre se plaindre ainsi de la confusion que la différence entre Severus et le professeur Snape induisait. S'il pouvait simplement réaliser que les souvenirs dont il parlait ne concernaient aucunement la personne qu'il avait en face de lui, cela serait sans doute plus simple. Mais il n'en était manifestement pas encore à ce stade. Et puisqu'il était somme toute peu probable qu'ils se fréquentent régulièrement après ces interludes, sans doute n'en aurait-il jamais l'occasion.

Peut-être était-ce là un état de faits que Severus devrait regretter. Si inconcevable que ça puisse lui paraître, Potter Junior semblait être quelqu'un que l'on gagnait à connaître. Mais ce n'était simplement pas dans l'ordre des choses. Et Severus n'avait pas la patience et la persévérance nécessaires pour se faire apprécier d'un Gryffondor. Leur tendance à sauter aux conclusions et donc à obliger à se justifier en permanence était éreintante. Quelque part, Severus ne le niait pas, il aurait aimé que le fils de Lily ne le perçoive pas ainsi. Mais de toute évidence, son opinion de ce qu'était Severus Snape était bien ancrée, et ne risquait pas de changer. Le Serpentard devrait donc se contenter de cette civilité superficielle. Heureusement, il avait appris depuis bien longtemps à se passer de la bonne opinion des gens. Ce type de rejet basé sur des préjugés erronés l'affectait bien moins qu'auparavant. Il laissa donc passer ces presque-accusations sans marquer de réaction.

Severus ne s'était pas attendu à apprendre quoi que ce soit d'intéressant dans cette tirade, et il ne put masquer totalement sa surprise en apprenant que son futur-lui avait été impliqué dans les leçons d'occlumancie destinées à Potter Junior. Qui avait bien pu avoir une idée pareille ? Et surtout, pourquoi ? Les Potter n'avaient certainement aucune affinité avec ce type de discipline mentale, et c'était une magie considérée comme obscure. Pourquoi prendre le risque de l'enseigner à quelqu'un qui devait faire figure d'icône pour le camp de la lumière ?

Severus reprit une bouffée pour se donner une contenance pendant qu'il réfléchissait aux implications. Finalement, cette seconde cigarette prouvait son utilité.

« Vas y, pose ta prochaine question si tu veux. »

Oh, alors ils continuaient finalement ? On ne refuse pas de s'incliner devant un hippogriffe offert, le Serpentard enchaîna donc directement avec la question évoquée par la réponse précédente. Le Survivant semblait avoir étudié le passé de son ennemi juré, peut-être serait-il à même de combler des lacunes qui tourmentaient incessamment Severus depuis quelques jours ?

« Pour rester sur le sujet de la guerre... D'après les rapports que j'ai lus, le Seigneur des Ténèbres a progressivement perdu la raison. Cela semble correspondre aux faits : dans les années 50, le combat était surtout politique, dans les années 70, les positions se durcissent et la guerre civile menace, dans les années 90 cela devient purement et simplement du terrorisme, et les actions mises en place lorsqu'il prend le pouvoir ne correspondent pas aux objectifs annoncés initialement. Les méthodes ont radicalement changé, les objectifs avoués aussi. Le Seigneur des Ténèbres semble avoir complètement perdu sa voie à mesure que les années passaient. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi, que lui est-il arrivé ? Et comment s'y est-il pris pour obliger ceux qui l'avaient suivi au début à continuer à exécuter ses volontés alors même que ses plans avaient si totalement changé, ne correspondaient plus à ce pourquoi ils s'étaient engagés ? »

Il s'agissait là de questions cruciales pour Severus, et qui laissaient sans doute bien trop facilement percevoir les inquiétudes qu'il avait, mais il s'agissait peut-être de la dernière question qu'il pourrait poser, alors ça ne lui coûtait pas grand chose d'essayer d'obtenir des réponses... considérant qu'après le tour pris par leur discussion de la semaine passée, il pouvait difficilement se rabaisser davantage aux yeux du Gryffondor. S'il ne s'était pas si copieusement embarrassé au préalable, sans doute aurait-il été réticent à s'exposer ainsi, mais dans les circonstances présentes, il n'avait plus vraiment d'image à préserver.

Et puisqu'il était apparemment destiné à devenir un Mangemort, il aimerait autant être prévenu si ça impliquait une forme quelconque d'esclavage à quelqu'un qui allait perdre toute stabilité mentale. Au mieux, ça lui donnerait des éléments lui permettant de ne pas se retrouver dans une telle position, au pire, ça lui fournirait une motivation supplémentaire pour trouver un moyen de réécrire l'histoire. Parce que plus il en apprenait sur ce que l'avenir lui réservait, plus le suicide lui apparaissait comme une alternative enviable. Et il n'avait jamais été suicidaire.

Spoiler:

Severus & Harry

Spoiler:

Spoiler 2:

Three faces of the same coin.
Or whatever. What's got three faces ?

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En voyant Potter Junior se lever brusquement avec une expression de furie à peine contenue, la première réaction de Severus fut de penser que l'échange allait déplorablement devoir s'arrêter là. Sa question avait manifestement gravement offensé le Gryffondor. Ensuite, son esprit pratique prenant le dessus, le Serpentard se demanda si la situation allait se dégrader en un simple échange d'insultes ou s'il allait devoir se protéger contre des maléfices. Il espérait que ça en resterait aux insultes. S'ils échangeaient des sortilèges, comme toujours, il serait considéré comme la personne en tort, et étant donné le statut de Potter Junior, si ça s'ébruitait, ça risquait de lui rendre la vie encore plus difficile. Sans compter ce qu'il lui arriverait si Lily apprenait qu'il aurait pu blesser son fils. Il aimait autant ne pas même y penser.

Mais curieusement, au lieu de s'attaquer directement à lui, le Gryffondor se mit à faire les cent pas en tirant de grandes bouffées pour évacuer sa rage. Et quand il reprit la parole, Severus eut plutôt l'impression qu'il marmonnait pour lui-même.

« Perdu la tête progressivement... j'aimerais bien savoir qui a pondu ça... »

Cela ne dura pas. Le regard du Survivant se posa ensuite directement sur lui, avec une intensité presque effrayante. Sa rage était loin d'être dissipée. Incapable de détourner le regard, ou de seulement penser à le détourner, Severus continua à le fixer pendant qu'il exposait sa propre interprétation des faits. Ce faisant, il évoquait des évènements qu'il semblait croire de notoriété publique, alors que le Serpentard n'en avait jamais entendu parler, et ce dernier en prenait donc mentalement note : élevé dans un orphelinat, violent et effrayant même en tant qu'enfant, ayant redécouvert la Chambre des Secrets, y ayant trouvé un basilic et l'ayant utilisé pour tuer... Bon, eh bien tout ça promettait des recherches fructueuses. Avec tous ces éléments et le nom Tom Jedusor, il arriverait forcément à trouver des informations pertinentes.

Pour peu que le Gryffondor renonce à l'étriper avant. Mais apparemment, cette tirade avait aidé à le calmer, car après une pause et une nouvelle bouffée de cigarette, il parvint à mieux se contenir pour continuer.

« Je sais qu'aujourd'hui tu envisages de le rejoindre. Tu dois te dire que vous avez certains points communs. Vous avez tous les deux un père moldu que vous détestez. Vous rêvez tous les deux de faire vos preuves, de vous venger de ce père moldu. Mais... même si ces propos peuvent paraitre tentant ça n'en est pas moins un monstre. Il a toujours été comme ça, terriblement séduisant, et encore plus quand il était jeune, il a toujours su jouer de son charme pour faire venir les gens à lui mais ça n'en reste pas moins un monstre. Je crois que tu vas finir par le découvrir quand Lily va mourir... Quand tu vas comprendre que la prophétie parle d'elle tu vas lui demander de l'épargner. »

Encore une fois, le Gryffondor lui supposait des connaissances qu'il n'avait pas, et le Serpentard en prit bonne note : père moldu ayant agi de manière à justifier un besoin de vengeance, besoin de reconnaissance. Mais Severus dut faire davantage d'efforts pour rester détaché, car l'explication prenait une tournure plus personnelle. Il dut se retenir pour ne pas réagir en réalisant que Potter Junior avait une idée de ce qu'avait été Snape Senior, alors que c'était une information qu'il n'avait jamais partagée, pas même avec Regulus. Mais il avait sans doute pâli. Et l'évocation de la mort de Lily et de cette maudite prophétie ne risquait pas de l'aider à reprendre sa contenance.

Heureusement, le Gryffondor était si bien lancé qu'il ne semblait pas avoir besoin de la moindre réaction de sa part, et après avoir laissé échapper un rire amer, il poursuivit.

« Mais Lord Voldemort n'épargne personne. Elle se tenait entre lui et moi. Il a essayé de la pousser mais il a du perdre rapidement patience et il l'a tué. »

Severus n'avait pas vraiment envie d'entendre ça. Il y avait quelque chose de profondément horrifiant pour lui à entendre le fils de Lily décrire ainsi la mort de Lily. Et c'était à cause de lui que ça s'était produit. Parce qu'il avait rapporté une prophétie. Parce qu'il avait suivi...

Il mit un terme à ces pensées avant de se retrouver plongé dans une boucle de culpabilité. Il avait déjà eu suffisamment de mal à s'en extirper après la révélation de la semaine passée. Rationnellement, il l'avait déterminé après une analyse exhaustive des informations à sa disposition, il n'avait aucune raison de s'accuser : il n'était pas au service du Seigneur des Ténèbres, la Lily qu'il connaissait était toujours en vie, même James Potter était encore en vie. Émotionnellement, c'était malheureusement plus compliqué. Mais Severus était déterminé à ne pas se laisser handicaper par des émotions injustifiées. Il était quelqu'un de profondément rationnel. Et il ne commettrait pas la même erreur que son futur-lui.

« Elle est morte pour me protéger et c'est grâce à son sacrifice que je suis encore là. »

Mais ça l'arrangerait si Pottter Junior cessait de remuer le couteau dans la plaie.

« Il a tué énormément de personnes juste pour le plaisir de tuer, il est allé si loin sur les chemins de la magie qu'il en est revenu méconnaissable, pratiquement plus humain... alors ne me dis pas qu'il n'a jamais été fou. »

Ce n'était pas ce que Severus avait dit. Sur la fin, c'était certain, le Seigneur des Ténèbres avait complètement perdu l'esprit. Ce dont Severus n'était pas si certain, c'est qu'il l'ait été dès le début. Mais étant donné la manière dont le Gryffondor avait réagi, le Serpentard jugea préférable de ne pas chercher à pinailler pour établir cette distinction. Il se devait de commencer par s'amender.

« Je suis désolé, j'aurais dû faire preuve de davantage de tact. J'aurais dû me douter qu'un tel sujet te serait particulièrement pénible. Je cherchais simplement à comprendre pourquoi le Seigneur des Ténèbres qui a sévi à votre époque est si différent de celui dont j'ai entendu parler. »

Il songea un instant en profiter pour préciser que même si son futur-lui était devenu Mangemort, il n'avait jamais été favorable à l'extermination des moldus ou à la discrimination des nés-moldus, mais renonça. Après tout, qu'est-ce que ça changerait ? C'est surtout Lily qu'il aurait aimé convaincre. Et Lily n'avait jamais voulu l'écouter à ce sujet, même avant la fin de leur amitié. Pourquoi son fils, qu'il connaissait à peine, s'en soucierait-il ?

Mais il n'appréciait pas particulièrement de se sentir jugé sur des critères aussi erronés. Le fils de Lily paraissait se méprendre complètement sur ses motivations. Severus lui fournit donc tout de même quelques informations d'ordre plus général, pour tenter de lui faire comprendre que leurs perspectives différaient fondamentalement.

« Celui que tu as dû tuer était devenu un monstre, il ne pouvait qu'être éliminé, je n'ai aucun doute à ce sujet. Mais à mon époque, il recrutait en promettant un retour aux traditions, et davantage de libertés. Aujourd'hui, cela peut te sembler évident qu'il mentait, mais avant d'arriver ici, je n'ai jamais eu de raison de soupçonner que ses Mangemorts seraient employés à massacrer des gens incapables de riposter ou à ruiner l'existence d'un enfant. »

Il haussa légèrement les épaules et détourna le regard. Sans doute était-ce pure lâcheté de sa part. Mais il supportait difficilement de voir les yeux de Lily lui porter des regards accusateurs. Il se concentra sur sa cigarette, ne sachant comment le Gryffondor allait réagir, et n'étant pas certain de ne pas préférer en rester là.

Spoiler:

Severus & Harry

Spoiler:

Precious memories,
Painful memories.

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Severus avait craint que ses excuses n'aient pour effet que d'attiser la colère du fils de Lily, qui semblait avoir un tempérament semblable à celui de sa mère et donc être susceptible d'exploser de manière imprévisible s'il se sentait trop provoqué, mais le Gryffondor semblait avoir une maîtrise de lui-même inaccoutumée parmi les membres de sa Maison. Il écouta son explication sans chercher à l'interrompre, et il lui donna l'impression de réellement prendre en considération ce qu'il disait.

Encore une fois, un court silence s'installa tandis qu'ils finissaient leur cigarette, puis le Gryffondor reprit.

« Tu as manqué de tact c'est vrai mais je n'aurais pas du m'emporter non plus. La guerre et tout ça c'est assez... sensible encore. Depuis que je suis rentré dans le monde magique j'ai vécu avec la menace de Voldemort planant au dessus de moi. Cela ne fait que peu de temps que tout est fini et il reste encore des blessures qui n'ont pas tout à fait cicatriser. »

Severus marqua sa surprise avec des sourcils légèrement haussés. Il ne s'était pas attendu à ce que Potter Junior partage ainsi spontanément les torts. Le jeune homme venait encore de monter de quelques points dans son estime. D'autant que Severus pouvait comprendre qu'évoquer la guerre le mette dans un état pareil, et que la faute revenait donc essentiellement à son propre manque d'égards qui lui avait permis de poser la question tout en étant conscient du traumatisme potentiel.

« Tu ne l'as pas encore rejoint alors je ne devrais pas te parler comme ça. Tu n'es en rien responsable de ce qui est arrivé pour moi mais qui n'est pas encore arrivé pour toi. Même si j'ai encore du mal à l'admettre il devait être facile de se laisser tenter par lui. Comme je te le disais il a toujours réussi à ... charmer les foules. »

Décidément, Potter Junior dépassait toutes ses attentes. Manifestement, il essayait de faire l'effort de distinguer Severus de son futur-lui. Et il dédouanait même partiellement son futur-lui du choix désastreux qu'il avait fait en devenant Mangemort. Bon, il était vrai que Severus préférait penser que ce n'était pas le charme facile du Seigneur des ténèbres qui l'avait convaincu de rejoindre ses rangs, et il soupçonnait que ses motivations seraient bien plus pragmatiques que ça, mais il n'en était pas moins remarquable que le Gryffondor fasse preuve d'une telle compréhension. D'autant que son ancien professeur de potions semblait avoir été l'une des personnes qu'il avait le plus de raisons de détester.

Mais le Gryffondor semblait avoir réussi à se calmer, la lassitude désormais plus apparente que la colère. Il poussa un soupir, et revint s'asseoir à la place qu'il occupait précédemment dans le cercle.

« Est-ce qu'on pourrait simplement arrêter de parler de la guerre? Ca a été une chose assez horrible comme ça pas besoin de la revivre. J'aimerais arrêter la séance des questions - réponses. Mais à la place, si tu t'en sens le courage, je veux bien te montrer les souvenirs que ton futur toi m'a confié avant sa mort et je veux bien rajouter certains des miens pour compléter le tableau. Je pense qu'une image vaut plus que tous les longs discours du monde. »

Une nouvelle fois, le Serpentard fut surpris. Ça devenait une habitude. Cela dit, Severus n'avait aucune raison de s'opposer à ce changement de procédure, bien au contraire. Des souvenirs transmettraient bien plus d'informations que leur simple récit. Comme le soulignait le Gryffondor, l'image serait nécessairement bien plus complète. Et elle serait bien plus difficile à censurer, volontairement ou involontairement. C'était donc une chance inestimable.

Cependant, même si le Gryffondor semblait ne pas s'en soucier, l'équité de l'échange était essentielle pour le Serpentard. Et il dût prendre un moment pour se demander s'il était réellement prêt à accepter qu'une autre personne voie des souvenirs qui lui appartenaient. Surtout des souvenirs aussi personnels que ceux qui concernaient Lily. L'idée le rendait presque nauséeux. Mais en même temps, il s'agissait du fils de Lily. Un fils qui ne l'avait pas connue. Un fils qu'il ne pouvait s'empêcher de se sentir coupable d'avoir rendu orphelin, si irrationnelle que cette impression puisse être. En considérant tout cela, avait-il vraiment le choix ?

Severus accepta.

« Je suis d'accord, arrêtons les questions-réponses si c'est ce que tu souhaites. J'apprécierais que tu me montres ces souvenirs. Simplement... Si jamais tu en as qui concernent Regulus Black, et en particulier la manière dont il est mort , je te serais réellement reconnaissant de les inclure. Regulus est mon ami, et je n'ai pas réussi à déterminer ce qui lui arrivait. »

Le Serpentard avait hésité avant de formuler cette dernière requête, mais s'était finalement dit qu'il n'en étaient plus à ça près en ce qui concernait les échanges d'informations personnelles. Et mentionner l'amitié qui le liait à Regulus pouvait aider à convaincre le Gryffondor, vu le discours qu'il avait tenu comme quoi la victoire aurait été impossible sans l'aide de ses amis, c'était probablement une valeur à laquelle il était sensible.

Après une autre hésitation, il énonça sa propre proposition.

« Si tu le souhaites, je pourrais te montrer des souvenirs de ta mère. Ou de ton père. Ou de ce qu'il t'intéresse de connaître de mon époque. »

Il regarda ensuite le Gryffondor directement dans les yeux pour jauger sa réaction. Avec un peu de chance, il déclinerait, puisqu'il avait dit trouver pénible d'en apprendre davantage sur Lily. Mais Severus devait au moins le proposer.

Spoiler:

Severus & Harry

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