Peter lâcha un profond soupir en regardant le morceau de parchemin, désespérément vierge de tout écriture, qu'il avait sous les yeux. Vierge de toute écriture non, je suis mauvaise langue, au moins le rouge et or avait-il prit la peine d'inscrire son nom et son prénom ainsi que le titre de son devoir. Un devoir de métamorphose. Autant vous dire que pour être plus mou et moins motivé que le jeune homme à cet instant précis, il aurait fallu être un veracrasse. De façon générale, le septième année avait en aversion ce qui se rapprochait de près ou de loin à la notion de devoir. Il n'aimait pas avoir à s'asseoir face à une page blanche, et se désespérer à la remplir... d'âneries, la plupart du temps, car autant dire qu'il n'était pas l'être le plus doué au monde lorsqu'il s'agissait de fournir un travail correct. Ça avait été un soulagement total pour lui que de réussir ses BUSE et d'avoir réussi à passer toutes ces années sans redoubler... enfin, il n'était jamais trop tard, les ASPIC étaient en approche, et il se sentait aussi près de les réussir qu'il ne l'était de voir ses sentiments pour Poppy devenir réciproques. Il se désespérait lui-même, dans ce genre de situations, il avait beau avoir toute la documentation recommandée (il avait exprès fait un détour par la bibliothèque, lieu que pourtant, il ne portait certainement pas dans son cœur), il avait beau avoir relu la partie de son cours qui traitait du sujet, il était positivement incapable d'arriver concrètement à quelque chose. Il était nul. Il s'en faisait souvent la réflexion, et des situations telles que celle-cis ne l'aidait pas à rehausser la très faible opinion qu'il avait de lui-même. Souvent, il aurait aimé être comme James et Sirius, parvenir à rendre des travaux quasiment impeccables en s'y prenant à la dernière minute, ou savoir être aussi studieux que Remus, disposer de toute l'intelligence nécessaire pour rendre des devoirs qui vaudraient plus que Piètre. Mais non, du groupe, il était clairement le moins futé. Enfin... du groupe, Peter se sentait le moins tout, de toute façon : le moins beau, le moins intelligent, le moins avisé, le moins sportif, le moins cultivé, le moins... bref.

Il fallait au moins qu'il ait pondu son introduction ce soir. Le devoir en question était à rendre pour dans deux jours, et s'il ne s'y mettait pas illico, il n'y avait aucune chance pour qu'il s'en sorte, à moins de sécher une journée de cours pour la consacrer à rattraper son retard. Il agitait sa plume entre ses doigts depuis une bonne demie-heure déjà, si bien qu'il y avait plus d'encre au bout de ses doigts que sur sa copie. Il peinait à se concentrer. La concentration, voilà encore une chose à ajouter à la liste des capacités qui étaient hors de portée de Peter... et Merlin sait si cette liste était longue. Le rouge et or considérant qu'il n'avait jamais réussi qu'une chose dans sa vie, à savoir devenir un animagus (et ça n'avait vraiment pas été gagné, au début), il mettait sur cette liste à peu près toutes les compétences de l'univers. Aucune ne lui semblait dûe. Oui, il n'arrivait pas à se concentrer. Déjà d'ordinaire, le fait de devoir rédiger un devoir quelconque lui donnait l'immense envie de faire n'importe quoi d'autre, du moment que c'était autre chose... même ranger le bordel qu'il avait mit dans son côté du dortoir lui semblait plus intéressant, à l'heure qu'il était, mais là... Cette fois, il était encore moins disposé que d'ordinaire à focaliser son attention sur sa copie. Il avait, quelques instants auparavant (la notion d'instant étant toute relative, puisque Peter s'acharnait face à ce parchemin blanc depuis un bon moment déjà), croisé l'un des héritiers Potter-Malefoy (il y en avait trop pour qu'il ait retenu son nom), qui l'avait copieusement insulté sans qu'il sache pourquoi. Ce devenait quotidien, il y avait, chez certains élèves de son futur, une forme de haine toute dirigée contre lui qui ne demandait qu'à exploser à chaque fois qu'il croisait leur chemin. C'était aussi inquiétant qu'éprouvant pour le pauvre Pettigrow, qui n'avait jamais su se défendre, seulement s'écraser.
Il n'arrivait à rien, et en venait à se demander s'il ne ferait pas mieux de se faire porter pâle le jour du rendu de ce dévoir, quand une voix vint le tirer de ces réflexions.

Rien de tel que quelques heures tranquilles passées dans l’ombre des étagères de la bibliothèque de Poudlard, se disait qu’il n’y avait pas de meilleur moyen de terminer une journée harassante, par ailleurs. Le jeune homme avait fort à penser ces derniers jours, surtout depuis que les élèves du futur et du passé étaient arrivés, « comme par magie » songea-t-il ironiquement. Quel idiot, ce Sirius, se répéta-t-il pour la énième fois de la journée. Il ne lui en avait pas voulu, au début. En fait, il avait trouvé ça plutôt amusant, au final. Mais étant donné les révélations catastrophiques que le futur leur avait apporté, le lycanthrope aurait préféré massacrer Sirius à la petite cuillère plutôt que de le laisser approcher un autre chaudron en cours de Potions. Il secoua la tête, réellement bouleversé par les changements qui s’annonçaient dans sa vie.
Il aurait réellement préféré ne pas apprendre que James et Lily finissaient par se marier, par avoir un fils…Et mouraient à 21 ans. Une fois de plus, alors que cette phrase se répercutait dans chaque neurone de son cerveau, il s’arrêta de marcher, les yeux étrangement brillants. Le futur des Maraudeurs ne l’inspirait réellement pas. Sirius allait passer douze ans à Azkaban, il allait passer les années les plus sombres de sa vie, Peter…
Il évacua ces pensées de son cerveau pour le moment, et marcha droit jusqu’à la salle commune de Gryffondor, bien décidé à éviter le sujet pour la soirée, oublier que l’ombre de Voldemort planait vicieusement sur leurs futurs à tous les cinq, et murmura obstinément que de toute façon, il allait passer les prochaines heures à lire, roulé en boule dans un gros fauteuil rouge de la grande pièce ronde et chaleureuse qui abritait les quartiers de la plus noble maison de cette école.

C’était bien sûr, sans compter, qu’il allait trouver d’ici quelques secondes, à peine, la silhouette prostrée de son meilleur ami, en la personne de Peter Pettigrow, recourbé sur son devoir de…Métamorphose, semblait-il. L’encre qui tâchait ses doigts fit peine à Remus, pour une raison inconnue de lui-même. Le jeune homme aux cheveux fauves s’approcha doucement de son ami, prenant place dans le fauteuil en face de lui, abandonnant soudainement l’idée d’une soirée paisible passée à lire, sans se soucier de ce qu’il allait leur arriver d’ici quelques années.

« Peter… ? »

Il ne savait pas vraiment ce qu’il allait bien pouvoir lui dire pour le réconforter, mais il se devait au moins d’essayer. C’est ce que font tous les amis, non ? Et même en ces temps troublés où présent, futur et passé se mélangeaient allègrement, laissant d’immenses secrets et révélations filtrer ; Remus pensait, à juste titre, qu’il fallait plus que jamais se serrer les coudes. Les bruits de couloir qu’il avait entendus sur son meilleur ami lui laissaient présager le pire, mais pour l’instant il avait choisi de ne pas les croire – même s’il savait pertinemment, et c’était là son côté pragmatique et raisonné qui prenait le dessus ; que ces gens ne pouvaient pas avoir tort. Mais c’était précisément le genre de discussion qu’il préférait éviter d’avoir avec Peter en ce moment précis.