Cela faisait quelques jours lui trottaient dans la tête et ce matin il n’avait pas pu résister. Il avait dressé une liste de pour et de contre plusieurs fois, arrivant parfois à une majorité de pour et d’autres fois à une majorité de contre selon son humeur. Et puis en cette matinée beaucoup trop froide pour une matinée d’octobre, il avait pris sa décision sur un coup de tête et avait sorti de parchemins calligraphiés qu’il utilisait à chaque fois qu’il écrivait. La première avait été la plus facile à écrire – c’était pour cela qu’il avait commencé par celle-là – et en cinq minutes il avait apposé le point final. Au fil des années, alors que son mariage vieillissait et que sa relation avec sa femme devenait moins attractive et attrayante, qu’il n’avait pas forcément envie de rentrer le plus tôt possible chez lui, il avait commencé à accepter des dossiers de dernières minutes ou avait décidé de travailler tant qu’il n’aurait pas fini telle tâche et il avait dû avertir sa femme qu’il rentrerait plus tard que prévu. Au final, le discours qu’il utilisait à chaque fois pour cela s’était imprimé dans son esprit et sa main traçait les mots plus vite qu’il ne les pensait. Certes, aujourd’hui, ce ne serait pas à cause du travail qu’il rentrerait plus tard mais Laureen n’en saurait rien et ne prendrait de toute façon pas le temps de lire ce qu’il lui avait écrit. Elle aussi connaissait son petit discours par cœur et bouderait peut-être mais seulement pour obtenir un peu plus de vivres. La deuxième lettre fut plus difficile à rédiger en revanche. Il se stoppa toutes les trente secondes pour choisir correctement ces mots, essayant d’être impersonnel et poli le contraire de ce qu’il ressentait en écrivant ses mots. Quand il eut fini – soit vingt minutes plus tard – il observa les quelques lignes qu’il avait écrites et se trouva ridicule pour avoir mis tant de temps à rédiger une invitation en somme tout à fait banale – s’il omettait le fait qu’il avait donné rendez-vous à sa fille venant du futur. Il les plia soigneusement, les glissa dans leurs enveloppes respectives et rédigea les adresses à la plume avant d’appeler sa secrétaire, de lui remettre les lettres pour qu’elle les envoie immédiatement et quand il disait immédiatement et pas après avoir fini ci ou ça mais maintenant ! Elle hocha la tête, toujours intimidée par son patron après tant d’années ce qui était une bonne chose, et partit envoyer les lettres.

Julius s’enfonça dans son fauteuil, posant ses bras sur les accoudoirs et croisant ses doigts sous son menton tout en réfléchissant à ce qu’il venait de faire et ce que cela impliquait. Cela faisait un mois environ que sa vie avait totalement basculé. Un mois qu’une magnifique brune – dont on devait être fière – avait débarqué dans son bureau pour lui annoncer de but en blanc qu’elle venait du futur, qu’elle était sa fille mais que – oh surprise – elle n’avait pas de mère mais deux pères et que son deuxième paternel était Elijah Clever. Elijah étant un gamin arrogant qui lui avait déjà fait du rentre dedans – ce qui l’avait profondément outré et agacé – avant cette arrivée impromptue alors même qu’il sortait avec Snow, la fille de Julius. C’était malsain et tordu au possible. Et bien sûr, Julius refusait de croire – malgré les arguments tangibles de Mulan – qu’il avait eu un enfant avec le copain de sa fille, drogué et détestable sur beaucoup de points. Même si Laureen l’agaçait souvent ces derniers temps il n’aurait pas divorcé pour se remarier avec un homme. C’était impensable. Il avait donc mis, sans préavis, Mulan à la porte refusant de la croire. Pourtant, qu’est-ce qu’il y avait repensé à cela. Il savait au fond de lui que c’était la vérité mais il n’arrivait vraiment pas à l’appréhender tant c’était fou. Et puis une dizaine de jours plus tard, son passé de mangemort avait refait surface et il s’était mis Izar Rosier à dos. Ce qui signifiait tout simplement que la vie de Snow était peut-être menacée. Ce fou était prêt à tout pour se venger. Et à partir de ce moment, les problèmes avaient vraiment commencé. Ca avait été d’une discussion très étrange et inappropriée avec Elijah à la vue de Rosier près de Poudlard puis un week-end avec Snow et Elijah chez eux où… Elijah l’avait embrassé et où il avait répondu. Et maintenant qu’il ne pouvait plus nier ne pas être attiré par Elijah – parce qu’il le désirait – il se retrouvait un bazar complet. Le Serdaigle lui plaisait comme il lui donnait des envies de meurtre. Il aimait sa femme mais moins il la voyait mieux il se portait. Sa fille était cocue et bientôt il risquait d’en être le responsable. Et il se posait beaucoup de réponses, il tournait toutes les options dans sa tête, s’imaginer accepter les propositions indécentes d’Elijah ou alors le repousser mais jamais rien ne lui convenait. Il aimait sa femme mais… Ce n’était plus comme avant et l’attrait de la nouveauté le rendait fou d’envie mais aussi de répulsion. Il avait donc décidé de contacter Mulan. Il avait besoin de réponses et elle était du futur. Elle pourrait répondre à tout. Julius se demandait tout de même ce qu’il ferait quand il les aurait, ces fichues réponses. Il n’allait pas détruire sa famille pour s’afficher ouvertement gay avec un adolescent non ? Il n’était même pas gay ! C’était juste que… Eh bien ça ne semblait pas désagréable. Il ferma les yeux en soupirant et se pinça l’arrête du nez. Il avait des ennuis jusqu’au cou et plus encore.

La réponse de Mulan arriva en début d’après-midi où elle lui disait qu’elle acceptait de le rencontrer après cinq heures au chaudron baveur. Le reste de sa journée passa affreusement lentement. Il avait dressé une liste des questions les plus importantes, s’obligeant à être pragmatique et à ne pas demander des trucs sur sa vie de couple avec Elijah qui ne pourraient qu’implanter des images nocives pour sa santé. Quand finalement, il eut fini ce qu’il voulait faire, il se hâta de ranger ses affaires et quitta le ministère en transplanant. Il atterrit dans une des zones de transplanage du chemin de traverse et se hâta de rejoindre le chaudron baveur. Il était un peu en retard et il supposa que Mulan serait déjà là. Quand il entra à l’intérieur, il tenta de se rappeler de la jeune fille et la chercha du regard. Il la trouva assise un peu à l’écart et en fut reconnaissant. Ce serait embarrassant de rencontrer quelqu’un de sa connaissance et de devoir expliquer qui était la brune. Il s’installa en face d’elle en essayant de paraître détendu mais ce n’était pas si simple. « Merci beaucoup d’être venue tu m’excuseras du retard, les affaires. Je t’offre quelque chose ? »

« De rien c’est normal et je comprends ce n’est rien… Un chocolat bien chaud s’il te plait » Julius hocha la tête, essayant de sourire mais ce fut affreusement crispé et dut ressembler à un rictus plus qu’autre chose. Il fit signe au serveur et après hésitation commanda un jus de citrouille. Il n’avait aucune idée de quelles étaient ses habitudes concernant l’alcool dans le futur mais dans le doute, il préférait ne pas commander un double scotch de peur que sa fille pense qu’il était alcoolique ou pire qu’elle sache que boire chez lui était un signe de nervosité. D’un côté, elle n’avait pas besoin de savoir cela pour le remarquer, la façon dont il se tenait était un signe assez évident. Et si ça ne l’était pas, la façon dont il butait sur les mots, dont sa langue s’enroulait maladroitement autour des mots comme si les consonnes se cognaient contre ses dents et que les voyelles restaient coincées dans sa gorge. Il soupira discrètement, cette rencontre allait être plus pénible qu’il ne l’aurait pensée. Quand la commande arriva, il s’empressa de boire une gorgée du jus pour faire descendre la boule qu’il sentait. Mulan ne semblait pas être plus à l’aise que lui nota-t-il quand elle prit la parole et il s’en voulu pour cela. Après tout, il l’avait littéralement mise à la porte. « Pourquoi m’as-tu demandé de te rejoindre Pa… Enfin pourquoi as-tu demandé à me voir ? Tu as parlé avec Elijah ? » Julius toussa légèrement, se rappelant que la dernière fois qu’il avait vu Elijah, cela avait impliqué un peu trop de langue. Il se voyait mal dire à sa fille qu’il l’avait embrassé avant de le rembarrer. Elle n’avait pas besoin de savoir ce genre de choses. « Pas vraiment. Un peu. Je… Disons que j’ai réfléchi à mon comportement envers toi qui n’était absolu pas correct et que je tenais à me rattraper. Et… peut-être à écouter ce que tu as à me dire. » A savoir comment allait-il finir par tomber amoureux d’Elijah, pourquoi, était-il heureux dans le futur ? Et Laureen ? Et Snow ? Il n’avouerait pas – et décemment pas à sa fille – qu’il espérait vaguement que ses réponses lui donneraient un assentiment et qu’il pourrait arrêter de sentir coupable. Mulan se serait certainement étouffée avec son chocolat chaud s’il lui avait dit qu’il était en train de virer gay depuis qu’il avait embrassé Elijah comme jamais et qu’il voulait simplement savoir comme survivre à ce changement de cap. Bien sûr, il ne le dirait pas. Il ne voulait pas avoir la mort de sa fille sur la conscience et aussi parce que c’était encore trop confus pour qu’il l’avoue à quelqu’un. Il voulait juste des réponses. Il avait besoin de savoir s’il était plus heureux dans le futur. Si tout ça avait un sens. Si Elijah et lui étaient réellement amoureux et épanouis. S’il arrivait à subvenir aux besoins de quelqu’un beaucoup plus jeune que lui. S’il avait été un bon père pour la seconde fois. Et surtout si son bonheur n’avait pas été au détriment et à la destruction de sa famille. Il ne voulait pas que Snow soit traumatisée à vie de lui présenter ses petits-amis. Il ne voulait pas qu’elle le haïsse, qu’elle refuse de le voir. Et Laureen, avait-elle retrouvé le bonheur ? S’était-elle remariée ? C’était des questions essentielles pour lui. Des questions auxquelles il avait besoin d’avoir des réponses. Même s’il ne saurait certainement pas quoi en faire une fois qu’il les aurait. Connaître son futur était une chose désastreuse. C’était la perte de toute liberté et de toute spontanéité. Il ne pouvait pas choisir Elijah de son gré ou comprendre pourquoi il le choisirait, pourquoi il laisserait sa femme mais parce que Mulan était là, il devait le faire. Comme un robot, automatiquement et s’était déprimant. Il soupira et but une nouvelle gorgée de sa boisson avant de reprendre la parole. « Je m’excuse sincèrement pour la dernière fois. Je sais que je ne le mérite certainement pas mais j’aimerais des réponses. J’ai besoin de savoir pourquoi tu es là. Et par là, je n’entends pas 1998 mais là tout simplement. Pourquoi… Pourquoi est-ce que j’ai abandonné ma famille pour en faire une autre ? Je ne comprends pas. » Il y avait une certaine vulnérabilité dans sa voix et Julius remarqua à quel point en quelques semaines il avait assimilé que Mulan était sa fille parce qu’il n’aurait jamais laissé quelqu’un d’autre que sa famille le voir ainsi.

« Ce n’est pas grave, je ne t’en veux pas, tout le monde aurait réagi comme toi, même moi j’en suis sur » Julius ne dit rien mais fut au moins soulagé que Mulan ne lui en veuille pas, les conflits n’avaient jamais été sa tasse de thé et encore moins quand il ne savait pas comment se faire pardonner. Mais d’un côté, c’était vrai qu’elle avait manqué légèrement tact pensa-t-il en buvant une gorgée de sa boisson et en attendant la suite. En avalant, il se demanda de qui avait-elle hérité de ce caractère aussi posé. Pas vraiment de lui, il pouvait réagir au quart de tour parfois. Il ne lui semblait pas qu’Elijah était le genre doux comme un agneau. Ce fut là qu’il réalisa qu’il n’avait vraiment que peu d’informations sur sa fille – et que la politesse aurait voulu qu’il s’intéresse à elle avant de s’attarder sur son avenir – et qu’il n’avait aucune idée de la maison dans laquelle elle avait pu atterrir par exemple. Elle n’était plus scolarisée à Poudlard mais l’intérêt des maisons de l’école de sorcellerie est qu’elles en disaient long sur la personnalité des gens. Il étudia la brune un instant avant d’exclure d’office sa maison à lui, Serpentard. Un vert et argent n’aurait jamais révélé ce qu’elle lui avait dit comme elle l’avait fait. C’était sans doute exagéré ou immature, mais il pria pour que ce ne soit ni Poufsouffle ni Gryffondor – bien qu’il ne pouvait pas exclure la maison des rouges et or. Serdaigle lui aurait plu. Elijah y était, il avait failli y atterrir s’il n’avait pas été si ambitieux, cela aurait été bien. Un bon compromis. Un mélange de lui et de son futur mari… Il soupira. Il avait des pensées de ce genre toutes les saintes minutes, à croire que bientôt il allait finir par se considérer comme déjà divorcé et remarié. « Je ne connais pas toutes les raisons, je ne t’ai jamais posé toutes les questions, ce que je sais et que j’ai vu avec les années, c’est que tu n’étais plus heureux, tu avais perdu cette fraîcheur qui fait de toi ce que tu es avec Elijah. Tu aimais ton ex-femme enfin tu aimes ta femme mais il y avait beaucoup trop de non-dit entre vous qui ont fini par te peser je pense et tu as fini par ouvrir les yeux sur Elijah. » Il hocha vaguement la tête tout en réfléchissant à ce qu’elle venait de lui dire. Etait-ce aussi bête que cela ? Mulan avait raison, il y avait des non-dits entre Laureen et lui mais était-ce suffisant pour tuer plus de quinze de mariage. Et d’accord ouvrir les yeux sur Elijah… Qu’est-ce qui s’était passé chez lui pour qu’il décide de regarder un homme ? Même si celui-ci le draguait… Bon pou expérience, Julius n’était peut-être pas si indifférent aux approches répétées du garçon. Mais c’était toujours inexplicable. Il y avait bien eu des femmes qui lui avaient ouvertement fait des avances mais même en se mettant nues devant lui, ça n’aurait rien changé au fait qu’il ne les aurait pas désiré. Et si il regardait un bel éphèbe, il était persuadé de ne pas ressentir de désir pour lui parce que jusqu’aux dernières nouvelles les hommes ne le branchaient pas. Mais Elijah… Etait-ce truc qui s’appelait métaphysique ? Rien que le nom était beaucoup trop compliqué à ses yeux. « Entre toi et Papa, il y a un lien indestructible, ça a pris le temps qu’il a fallu mais vous vous aimez sincèrement c’est quelque chose de sérieux entre vous. Tu sais Papa tu n’as jamais abandonné Snow c’est ta fille tout autant que je le suis, la seule chose qui nous différencie c’est que pour moi l’argent n’a pas d’importance, mon but n’est pas d’avoir la plus belle garde-robe au contraire j’ai d’autres rêves, d’autres buts » Son cœur manqua plusieurs battements. Entre Elijah et lui, c’était si fort que cela ? Ou alors était-ce vu par les yeux d’un enfant qui admirent ses parents ? Snow ne pensait certainement pas que ses parents faisaient parfois chambre à part. Et le mot « Papa » lui sembla si naturel dans la bouche de Mulan qu’il se demanda si l’instinct n’était parfois pas plus fort que la raison. Quelque chose lui soufflait que Mulan était sa fille avant même qu’il n’ait réellement pensé à l’avoir. Et le fait qu’elle affirme qu’il voyait Snow le rassura, au moins lui parlait-elle encore – il sourit quant au fait que Mulan était moins dépensière. Mulan s’excusa de l’avoir appelé papa mais honnêtement il ne s’en était pas offusqué pour une noise. « Tu les vois souvent après je ne peux pas te dire quelles sont vraiment vos relations quand je ne suis pas là mais tu ne les as pas abandonné, y’a juste l’amour que tu avais pour celle qui partageait ta vie qui a changé mais pour ta fille c’est toujours pareil… » Il ne dit rien un moment réfléchissant à tout ce qu’elle lui avait dit. Tout ça lui paraissait tellement naturel. Qu’elle l’appelle Papa, qu’elle ait été hypothétiquement une Serdaigle comme un mélange d’Elijah et lui, que sa famille soit si proche au point que Mulan y croit avec tant de ferveur. Est-ce que cela lui avait paru autant naturel avant avec Laureen ? Il avait voulu avoir un enfant mais c’était aussi pour la tradition de sang-pur. Il l’avait épousée mais l’avait délaissée. Il avait la nette impression qu’Elijah lui saurait mieux comprendre son passé que sa femme, encore l’instinct. Il décida d’arrêter d’y penser parce que ça en devenait déprimant et confus. Il ne savait plus où il en était mais une chose était sûre. Il avait envie d’apprendre à connaître Mulan. « Ne t’excuse pas, je suis ton père après tout. Je… Merci d’avoir répondu mais finalement je crois que tout ça c’est trop à contempler, à comprendre. Je… Ce n’est pas que je refuse mon avenir mais je ne pensais pas laisser ma femme alors… j’ai besoin le temps de faire le tri et je me suis trompé. En savoir plus ne m’aidera pas. Alors peut-être que tu pourrais me parler de toi. J’aimerais apprendre à te connaître. Si tu veux bien. » Julius lui fit un léger sourire penaud. Il avait envie qu’elle accepte, il avait envie de la connaître. Le reste, son avenir avec Elijah, son divorce, le fait qu’il briserait le cœur de sa fille, il ne voulait pas y penser. C’était juste trop. Trop et trop tôt.

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