Plume avait envie de s’approcher du mur le plus proche, d’y coller sa tête dessus et de la cogner contre jusqu’à ce que l’inconscience veuille bien la prendre. Elle en avait plus qu’assez que le sommeil ne se présente pas à elle. C’était sans doute parce qu’elle avait des heures à rattraper qu’elle échouait sans cesse en Potions. Un moment d’inattention et, quelques instants plus, l’explosion. Tout ça car, alors qu’elle vagabondait la nuit, elle était épuisée le jour. C’était frustrant. Cependant, elle savait pertinemment que s’énerver ne lui apporterait rien. Tout comme rester inutilement dans son lit, les yeux grands ouverts fixés sur la fissure qui zébrait le plafond, juste au-dessus de sa tête. Elle avait envie de bouger. Alors, suivant son désir impulsif, elle s’extirpa de ses draps, enfila un gilet noir par-dessus son débardeur de pyjama, les premières chaussures qui lui tombèrent sur la main, avant de se faufiler hors du dortoir commun. Elle descendit les escaliers sur la pointe des pieds, ne désirant pas réveiller d’autres personnes, et traversa hâtivement la Salle Commune. Qui sait ? Elle n’était peut-être pas la seule à demeurer éveillée en cette heure tardive et elle n’avait envie de voir personne.

Dérangeant la Grosse Dame, elle traversa le tableau, s’excusant au passage du dérangement, et murmura un faible « lumos » pour ne pas déranger les portraits accrochés aux murs des couloirs qu’elle traversait. Elle arriva rapidement devant le passage secret qui lui permettait de se faufiler en dehors du château, passage qu’elle avait trouvé à son arrivée au château par pur hasard, alors qu’elle tentait d’échapper à un professeur de Potions plutôt en colère, après une explosion remarquable. Elle arriva finalement à l’extérieur et pu goûter à l’air frais qu’offrait cette nuit claire. Serrant ses bras autour de sa poitrine, elle s’empressa de se diriger vers le lac. Celui-ci était calme et la surface de l’eau reflétait un croissant de lune brillant. Spectacle d’une rare beauté dont Plume se délecta. Aussitôt, elle retira ses ballerines, les jeta un peu plus loin, avant de s’asseoir sur la berge. Portant un short en coton noir pour dormir, elle n’eut pas besoin de retrousser quoi que ce soit et plongea immédiatement ses chevilles dans l’eau froide. Un frisson la parcourut, mais elle ne les retira pas. Elle commençait à devenir habituée. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait en cet endroit, alors qu’il faisait nuit, mais elle adorait. Et surtout, cela lui faisait du bien. Ici, elle n’avait pas besoin de faire semblant, elle n’avait pas à veiller à sans cesse garder des protections autour d’elle, elle n’avait pas à faire attention de ne pas embêter les autres avec ses problèmes. Elle était juste elle et il n’y avait personne pour la juger.

Une bourrasque de vent souleva ses cheveux et elle remit distraitement une mèche derrière son oreille, en songeant à l’évènement qui l’avait emmené ici. Bien sûr, il y avait le manque de sommeil, mais… Elle était troublée. Elle ne faisait que voir et revoir en boucle, dans sa tête, la dernière fois qu’elle avait vu Leo. Celui-ci s’était montré distant et depuis, elle n’était pas idiote, elle remarquait bien qu’il l’évitait. Et elle avait beau chercher, tenter de trouver quel était le problème et ce qu’elle avait bien pu faire de mal pour en arriver là… elle ne comprenait pas. Ils avaient vécu beaucoup de moments ensemble et elle avait enfin cru l’avoir cerné, elle s’était même offerte à lui et elle avait déclaré à son père qu’elle souhaitait changer d’école pour se retrouver plus près de lui. Néanmoins, son attitude presque froide envers elle et les bruits de couloirs qui traînaient à son sujet… Eh bien, cela l’avait fait réfléchir et elle se disait maintenant que, peut-être, elle s’était trompée à son sujet. Et elle avait mal en songeant qu’il s’était sans doute servie d’elle, qu’elle n’avait été qu’une « autre » de plus. Bon sang, elle n’était qu’une idiote ! Elle serra les dents, alors qu’elle sentait poindre des larmes à ses yeux. Elle détestait être utilisée de la sorte, alors qu’elle… Elle… Oui, elle ne pouvait plus se voiler la face. C’était bien plus que de l’amitié ou de l’attirance qu’elle ressentait envers le jeune homme.

Un bruit derrière elle lui fit tourner la tête. Etendue de ténèbres, où elle ne put rien distinguer. Elle prit sa baguette et la leva en direction de la source du dérangement. Cependant, la lumière faiblarde de sa baguette ne lui laissa rien voir de plus. Inspirant longuement, elle demanda alors : « Eh ! Qui est là ? ».

Plume scrutait l’obscurité avec appréhension, s’interrogeant sur l’identité de la personne qui allait en sortir. Cela pouvait tout aussi bien être un pauvre lapin égaré qu’une bande de personnes mal intentionnées. Néanmoins, s’il s’avérait que c’était la dernière option, elle ne se laisserait pas faire facilement. Elle leur montrerait qu’elle n’était pas une proie facile. C’est vrai, après tout, si elle avait pu résister aux sortilèges de mangemorts mauvais jusqu’à la moelle, elle arriverait à faire face à quelques idiots désabusés. Toutefois, elle ne s’attendait pas à la réponse qui suivit.

« Léo ». Le prénom tomba comme une sentence et elle sentit son cœur manquer un battement. Elle leva un peu plus sa baguette et découvrit le jeune homme avancer, un air gêné affiché sur le visage, une main dans les cheveux, les muscles de son bras se mouvant sous ce geste. Il était beau, comme toujours, seulement éclairé par la lueur pâle de lune. Et Plume se sentit idiote là, l’air méfiant, les pieds dans l’eau et des larmes sur les joues. D’autant plus que c’était la première fois qu’elle le revoyait depuis leur dernière altercation quelque peu froide, qui remontait à quelques jours déjà. Depuis, il l’évitait et c’était étrange de le voir se dévoiler, alors qu’il aurait aisément pu se retourner et rentrer au château. Que voulait-il ? Qu’attendait-il d’elle ? Elle n’en savait rien et ça la rendait folle. « Je ne t'épiais pas, j'étais déjà sous le saule avant que tu ne viennes.. ». Son explication la ramena sur Terre. Elle déglutit et détourna le regard, avant de baisser sa baguette, d’essuyer ses joues humides du revers de la manche de son gilet et d’hausser les épaules. « Pas de problème, je te crois. ». C’était vrai. Elle le connaissait assez pour savoir qu’il n’était pas du genre voyeur. Enfin, quoique… Le connaissait-elle si bien qu’elle le pensait ? Après tout, il avait peut-être joué un rôle lorsqu’il avait été avec elle, durant ce mois précédent. Et si c’était le cas, cela la détruirait de savoir que la personne avec qui elle avait passé son meilleur été n’était en fait pas celle qu’elle imaginait… C’est vrai, il y avait tant de choses qui circulaient à Poudlard sur lui, elle ne savait que croire. Elle avait envie de lui faire confiance, mais… Elle était amoureuse et n’avait pas envie de se perdre dans une relation impossible à sens-unique. Ou alors juste être une conquête de plus.

Elle inspira une longue bouffée d’air et reporta son attention sur Léo. Elle lui fit un sourire plutôt faible, le meilleur qu’elle pouvait lui offrir en cette heure. Il l’avait surprise dans l’un de ses moments où elle se laissait aller, où elle abandonnait son sourire et elle n’aimait pas qu’il la voie ainsi, sans défense. Elle glissa ses doigts dans ses cheveux, histoire de se redonner une contenance, avant de lâcher d’un ton qu’elle espéra détendu : « Insomnie ? ». Elle savait déjà la réponse, ils en avaient parlé tous deux, une fois, mais elle n’avait rien trouvé de mieux que cette interrogation. Elle voulait juste combler le silence qu’il y avait entre eux. Elle désirait faire tomber la tension qui s’était instaurée dans leur relation depuis la rentrée, elle souhaitait que tout redevienne comme avant… Elle riva son regard au sien, se mordit la lèvre, puis lui demanda doucement : « Tu viens ? ». Elle lui fit un petit signe de tête pour l’inviter à venir à côté d’elle, alors qu’elle se mettait elle-même assise sur un coin d’herbe qui n’était pas humide, veillant à garder de l’eau jusqu’à ses chevilles. Elle attendit ensuite quelques instants, le regard fixé droit devant elle, les joues rouges. Il n’allait peut-être pas accepter et cette pensée lui était déjà douloureuse, mais au moins… Elle saurait qu’il ne fallait plus qu’elle s’accroche à lui aussi désespérément.

Il lui répondit par l’affirmative à sa première interrogation, lui retournant ensuite la question. Plume hocha doucement la tête, esquissant un bref sourire. « Comme toujours. ». Et elle aurait préféré qu’ils n’aient pas besoin de stupides insomnies pour se retrouver enfin seuls tous les deux. Elle aurait voulu qu’il vienne de lui-même, bien avant. Néanmoins, au lieu de ça, il s’était comporté… Elle ne savait, elle n’avait pas de mot qui lui venait à l’esprit. Il s’était montré distant, l’évitant soigneusement, se détournant lorsqu’il la voyait. Et elle pouvait affirmer que c’était plutôt douloureux de voir celui qu’elle aimait lui tourner le dos. De plus, l’impuissance qu’elle ressentait dans ces moments-ci, de savoir qu’elle ne pouvait rien faire pour recoller les morceaux, ne sachant pas exactement quand leur amitié avait été brisée, eh bien… C’était pire que tout. Cependant, il semblait d’humeur plus favorable ce soir. Il lui avait répondu, d’un ton très doux, et elle avait presque l’impression que c’était le Leo des vacances, celui avec qui elle riait durant des heures, qui était de nouveau devant elle. C’était peut-être le bon moment, alors. Celui de lui demander des explications. Elle l’invita donc à la rejoindre, alors qu’elle s’asseyait elle-même près de l’eau. Il ne lui répondit pas et elle s’imagina, durant quelques secondes, qu’il avait peut-être fait volte-face pour retourner au château. Mais, elle le sentit alors se glisser à ses côtés, silencieux.

Elle ne savait pas quoi lui dire. Elle aurait voulu briser le silence tendu qui s’était installé, mais maintenant qu’elle avait la possibilité de lui parler, les mots se perdaient dans sa gorge. Elle gardait son regard braqué devant elle, fixant obstinément l’étendue liquide, tout en se flagellant mentalement. Elle aurait dû pouvoir dire quelque chose. N’importe quoi, mais… Ce fut finalement lui qui prit la parole, au bout d’un temps. « Je ne comprends pas pourquoi tu me parles encore. Je n'ai été qu'un idiot, un profond idiot. Un lâche même. Tu ne devrais pas m'accepter comme cela.. ». Plume tourna vivement la tête vers lui, son cœur manquant un battement, et elle le dévisagea un instant, ses yeux balayant ses paupières closes, son nez droit, ses lèvres qu’elle avait adoré embrasser et sa mâchoire crispée. Il avait balancé sa tirade d’une traite et il paraissait avoir pris sur lui-même pour lui faire part de cet aveu, elle en avait conscience et elle ne savait qu’en penser… C’était là des demi-excuses, elle aurait voulu les accepter, juste sans rien demander de plus, pour le plaisir que tout redevienne comme avant, mais elle voulait savoir, avant cela, pourquoi il s’était conduit ainsi. « Arrête, t’es pas un idiot… ». Elle sourit, amusée, avant de secouer vaguement la tête, reprenant pour le taquiner : « Enfin, si, peut-être un peu, des fois. Comme quand tu dis des trucs de ce genre. ». Elle était atterrée par ce qu’il venait de lui dire. Croyait-il encore qu’elle ne l’acceptait pas comme il était ? Il est vrai qu’il s’était comporté comme un idiot, justement, ces temps-ci, mais il devait avoir une bonne raison. Puis, elle refusait de croire que la personne qu’elle avait vue sous cette carapace de mec dur, durant ce mois dernier, n’était en fait qu’un rôle joué. Elle ne pouvait pas le croire.

Son sourire s’effaça quelque peu et elle inspira doucement, alors qu’elle posait timidement sa main sur la sienne, souhaitant qu’il ne la repousse pas. Elle chercha ensuite son regard, avant de lui murmurer : « Et je ne t’ai jamais considéré comme un lâche, Léo. ». C’était vrai. Elle savait tout ce par quoi il était passé et ce qu’il avait fait, alors jamais il ne lui viendrait à l’esprit le mot « lâche » pour le décrire. Non, c’était inenvisageable. Elle baissa la tête, s’humectant les lèvres, avant de reprendre : « Mais je t’avoue que j’ai un peu de mal à te suivre, en ce moment. Tu es différent avec moi, tu es… ». Plume déglutit et retira sa main de la sienne, la portant à sa tempe. Elle ne supportait pas les altercations, celles-ci lui donnaient toujours des maux de tête, mais pourtant elle devait en passer par-là. Parce qu’elle ne supportait plus de le voir aussi fermé avec elle. Comment pouvait-il se comporter de cette façon, après tous les moments qu’ils avaient vécus ensemble ? « Tu es froid, indifférent, distant. Et je vois bien que tu m’évites, que t’essayes de ne pas te retrouver seul avec moi, alors… ». Sa gorge se serra, de nouvelles larmes apparurent, une bouffée de colère montant en elle. Il n’avait pas le droit de la repousser ainsi, comprenait-il au moins à quel point cela lui faisait mal ? Elle avait l’impression qu’il n’en avait aucune idée ! Elle lui faisait confiance, elle s’était offerte à lui, cœur et corps, et lui… Il ne pouvait pas juste mettre un point à leur relation. « Je voudrais juste qu’on règle ça, alors… Dis-moi ce que j’ai fait de mal, et on pourra arranger ça ! Dis-moi juste ! ». Sa voix était légèrement montée d’un cran lors de sa dernière phrase et elle le regretta aussitôt. Elle n’aimait pas cette facette impulsive de sa personnalité, qui la poussait toujours à en dire trop, à se dévoiler. Mais, maintenant, il était trop tard, ne restaient plus que les regrets.