Indigo. Le pull que je venais de sortir de ma malle et tenais maintenant devant moi pour mieux l’observer n’était pas violet mais indigo. C’est ce que je rétorquai calmement à ma camarade de dortoir qui venait de m’annoncer que « ton pull violet n’est pas du tout accordé à tes chaussettes vertes. » Sans m’en formaliser outre mesure, j’enfilai rapidement le pull puis fourrai des chaussures chaudes, deux dés à 12 faces et ma baguette magique dans mon chapeau de sorcière. Chargée de ce sac improvisé, je sortis du dortoir sans fermer la porte et trottinai en chaussettes jusqu’au hall d’entrée.

Sur mon chemin, je ne croisai personne et me contentai de faire la conversation à un petit chevalier très agité qui me suivit jusqu’en bas. Coupant court à ses jérémiades, j’ouvris la grande porte et sortis. Je m’assis en haut des escaliers et enfilai mes chaussures après les avoir sorties de mon chapeau. Rejetant mes longs cheveux en arrière, je me levai sans attacher mes lacets et descendis lentement les marches. Arrivée sur le sol recouvert de neige, je fis quelques pas puis dans un coin de neige vierge, je dirigeai mes pieds pour tracer les contours d’un hibou géant. D’un bond, je lui créai deux yeux puis sautant encore une fois, je sortis de mon croquis et m’en allai d’un pas vif.

J’aperçus au loin une silhouette étalée dans la neige, survolée par une nuée d’étranges bestioles. Quels étaient ces horribles charognards qui s’attaquaient à la pauvre créature morte sous les arbres ? Je m’approchai, résolue à les empêcher de se nourrir de son corps. Les créatures volantes étaient d’une blancheur éclatante et il s’en échappait une mélodie envoûtante. Je fis un tour sur moi-même, levai les bras, sautillai vers elles, tournoyai de nouveau, puis soudain, les créatures disparurent avec un grand bruit. Je m’arrêtai brusquement et mes mains s’ouvrirent toutes seules, laissant mon chapeau rejoindre le sol. J’avançai de quelques pas puis bondis en arrière lorsque les créatures réapparurent, se dirigeant dans ma direction. Je ramassai mon chapeau et empoignai ma baguette magique, prête à me débarrasser d’elles par n’importe quel moyen. Mais je remarquai alors que la créature morte n’était pas si morte que ça, étant donné qu’elle s’était relevée. Méfiante, je fronçai les sourcils puis entendis :

"Qui est là ?"

C’était en fait une jeune femme qui se tenait devant moi, baguette pointée sur les charognards qui se révélèrent être de simples boules de neige. J’abaissai ma baguette alors qu’un immense sourire se dessinait sur mes lèvres. Je clignai trois fois des yeux avant de répondre :

« Ce n’est que moi. »

Une boule de neige tomba à ma gauche. Je m’assis en tailleur, en confectionnai une et l’envoyai s’écraser sur l’arbre le plus proche. Puis mes yeux accrochèrent les deux pieds posés non loin de moi et remontèrent jusqu’à deux yeux intrigués.

« Oui, je sais, elle n’a pas très bien volé, elle a perdu sa vitesse trop vite. Je pense qu’elle n’était pas assez compacte. Je réessayerai plus tard. Les arbres sont si beaux en noir et blanc. Le vert est une couleur qui les rend joyeux et festifs mais le noir et blanc de l’hiver les rend si nobles et fiers … Tu ne trouves pas ? »

Gardant les yeux fixés dans ceux de la demoiselle qui me faisait face, je ramassai mon chapeau qui j’avais déposé à mes côtés et le posai entre mes jambes. Les dés s’entrechoquèrent avec un léger bruit. Ne cessant pas de sourire, je léchai mes lèvres qui commençaient à devenir sèches.