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Tous les élèves, qu’ils soient du passé, de présent ou du futur, de Serpentard, de Gryffondor, de Serdaigle ou de Poufsouffle, de première ou de septième année, avaient été bouleversés par ces défaillances temporelles. Les professeurs tentaient désespérément de mettre un peu d’ordre dans toute cette agitation alors que les élèves essayaient d’en savoir plus sur les autres époques et leurs nouveaux camarades. Peu à peu, chacun s’était remis du choc initial et la vie reprenait doucement son cours, malgré toutes les perturbations qu’avaient amené ces élèves venus d’ailleurs.

À la fin du repas, le flot d’étudiants s’était dispersé dans les étages, chacun se dirigeant vers sa destination avec plus ou moins d’entrain, la plupart discutant en petits groupes des événements récents. Luna, elle, était partie seule. Elle avait besoin de réfléchir à tout ce qui leur tombait dessus. Empruntant un escalier plus ou moins au hasard, elle évita machinalement une marche piégée et continua son ascension, plongée dans ses pensées. Elle songea un instant aux elfes de maison, qui devaient surement fournir énormément de travail, ayant trois fois plus de personnes à rassasier qu’en temps normal. Le repas qu’elle venait de terminer était pourtant toujours autant délicieux que d’habitude. Les elfes n’avaient pas négligé la qualité pour augmenter la quantité. Elle nota mentalement qu’il fallait qu’elle leur rende visite à l’occasion car il y avait trop longtemps qu’elle ne l’avait plus fait.

Puis sa réflexion se porta sur Neville et elle s’interrogea sur leur futur. Pour la première fois depuis qu’ils étaient ensemble, elle fut parcourue par le doute. Allaient-ils finir leur vie ensemble, s’aimer longtemps et avoir une merveilleuse descendance comme dans un parfait conte pour enfants ? Allait-elle mourir prématurément ? Ou alors lui ? Elle ne pouvait envisager cela. Elle l’aimait tellement. Fermant les yeux un bref instant, elle chassa ses inquiétudes de son esprit. Elle se promit toutefois de se débrouiller pour savoir. Elle voulait connaître son destin car elle ne supportait pas cet état d’ignorance et d’incertitude.

La Serdaigle était désormais presque en haut de l’escalier, qui se mit alors à bouger. Ne voulant pas risquer d’être coincée sans même savoir où, elle grimpa vivement les quelques dernières marches, pris son élan et sauta pour atteindre le palier qui s’éloignait déjà. Trop loin, elle rata son atterrissage, glissa et sentit son poids l’entraîner vers le vide. S’accrochant au tapis, elle tira de toutes ses forces et remonta ses jambes sur le sol ferme. Essoufflée, elle se releva péniblement sous le regard moqueur d’un petit sorcier moyenâgeux enfermé dans un cadre doré et qui semblait avoir abusé du vin contenu dans la cruche qu’il tenait à la main. Lui jetant un regard noir, elle lissa sa jupe du plat de la main et jeta un coup d’œil autour d’elle pour vérifier que personne ne l’avait vu lors de cet épisode peu glorieux. Satisfaite de l’absence de vie aux alentours, elle repartit en levant dignement le menton, attitude qu’elle abandonna dès que le petit sorcier fut hors de vue.

Arrivée à une intersection, elle prit le couloir de gauche, sans savoir où il allait la mener. Luna ne l’aurait jamais avoué mais elle réalisa qu’elle n’avait pas fait attention aux chemins qu’elle empruntait et qu’elle était maintenant incapable de déterminer où elle se trouvait. Ce n’était pas la première fois qu’elle se perdait dans le dédale de couloirs du château, et, loin de paniquer, elle continua tranquillement son chemin. Trop occupée à s’énerver contre ses maudits escaliers qui n’en faisaient qu’à leur tête, elle ne remarqua pas tout de suite qu’une autre jeune fille venait en sens inverse. Lorsqu’elle releva finalement la tête, celle-ci n’était plus très loin. La scrutant de haut en bas, elle tenta de mettre un nom sur cette silhouette qui lui faisait face mais ne parvint pas à se rappeler qui elle était. Elle était pourtant sûre de l’avoir déjà vue quelque part. Fouillant dans sa mémoire, elle chercha désespérément l’identité de la Poufsouffle et soudain, à seulement quelques mètres de la jeune fille, Luna s’arrêta net.

Ouvrant des yeux ronds, elle la dévisagea sans comprendre. Comment était-ce possible ? Cette fille ne pouvait pas se trouver dans l’un des couloirs de Poudlard. Elle ne pouvait même pas être réelle ! Ébahie, Luna ouvrit la bouche pour parler mais ne put articuler un son. Elle reconnaissait parfaitement la silhouette, qui s’était recroquevillée sous le terrible poids de la douleur, le visage, qui avait été dévasté par les larmes et la bouche, cette bouche qui avait tant hurlé de n’avoir pas su faire son choix, de n’avoir pas pu les garder près d’elle. Luna en était sûr, la jeune fille qui se tenait devant elle, immobile et certainement très intriguée par la stupéfaction de la Serdaigle, c’était la même que celle dont elle avait rêvé il y avait déjà quelques mois de cela, bien avant tous ces étranges événements. La jeune fille, qui, déchirée entre deux garçons s’éloignant peu à peu dans des directions opposées, n’avaient su ni les retenir à ses côtés, ni suivre l’un des deux, écrasée par ce choix qu’elle ne pouvait faire.

Reprenant peu à peu ses esprits, Luna rassembla ses souvenirs de ce rêve étrange. Il avait été si précis qu’elle se remémorait facilement tous les détails. Elle ne connaissait toutefois pas le prénom de la jeune fille qui se tenait devant elle. Toujours abasourdie par cette rencontre, elle décida d’avoir une petite discussion avec la demoiselle.

« Salut, je … je m’appelle Luna. Tu n’es certainement pas de mon époque parce que je ne t’ai jamais croisée. Enfin si, mais, non, en fait, attends, je m’embrouille. » Dépassée par la situation, elle ne parvenait pas à trouver les mots qui convenaient pour expliquer à l’autre fille ce qu’elle savait. Essayant de mettre de l’ordre dans le flot d’hypothèses qui lui traversait l’esprit, elle reprit la parole. « Comment t’appelles-tu ? J’ai besoin de connaître ton nom. » Repensant aux deux jeunes hommes, elle se demanda brièvement si elle risquait de les croiser également puis décida que cette question aurait tout le temps d’être résolue plus tard. Reportant son attention sur son interlocutrice, elle continua à parler. « Tu vas trouver ça un peu, bizarre, moi-même je n’y comprends pas grand-chose mais … j’ai fait un rêve. Il y a longtemps, bien avant que tu arrives dans le Poudlard de 1998. Et le personnage principal de ce rêve, c’était toi. Vraiment toi, pas une fille qui te ressemblait vaguement. J’en suis sûre, je me souviens de tous les détails. Et maintenant, tu es là devant moi … je pense que tu comprends ma stupéfaction.» ajouta-t-elle avec un sourire.

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Elizabeth. Elle s’appelait Elizabeth et elle venait du passé. Le fait de pouvoir mettre un nom sur le visage de cette jeune fille qui apparaissait devant elle toute droit sortie d’un drôle de rêve la rendait plus réelle, plus présente. Avant cela, Luna avait plutôt eu l’impression de rencontrer un personnage de livre ou celui d’un tableau, qui se serait soudain matérialisé devant ses yeux ébahis. Mais ce nom l’aidait à faire la distinction. La jeune fille du rêve était fictive. Elizabeth était bien réelle. Luna murmura ce nom, comme pour mieux s’en convaincre. Elle se rendit ensuite compte qu’une fois de plus, elle devait avoir l’air bizarre à murmurer de cette manière. Relevant la tête elle afficha un petit sourire qui paraissait presque naturel et répondit précipitamment à la Poufsouffle du passé.

« Moi aussi je suis enchantée de te rencontrer. Par contre, je te préviens, tu risques de l’être un peu moins dans quelques minutes. » Luna regretta instantanément ces paroles un peu maladroites. Mais pourquoi donc avait-elle dit ça ? C’était probablement vrai, mais il n’était certainement pas nécessaire de faire fuir Elizabeth ou même de l’effrayer avant de lui avoir parlé. Maudissant sa spontanéité un peu trop impulsive, Luna tenta de se rattraper. « Enfin, tu n’as rien à craindre de moi, bien sûr, et je n’ai absolument pas l’intention de te blesser mais ce rêve était vraiment très étrange. Et il risque de ne pas te plaire, tu verras. »

Elizabeth semblait plus curieuse qu’effrayée et Luna fut soulagée qu’elle prenne ces révélations plutôt bien. Elle aurait tout à fait pu la traiter de folle, l’accuser de se moquer d’elle et partir en l’insultant. Mais au contraire, Elizabeth s’intéressa au rêve et demanda à en savoir plus, notamment à propos des autres personnes présentes. Luna réfléchit à ce que la jeune fille lui demandait, rassemblant tout ce dont elle se souvenait au sujet des deux jeunes hommes entre lesquels la fille de son rêve était tiraillée. Luna se refusait à appeler la fille du rêve Elizabeth. Elizabeth était réelle et se trouvait debout, intriguée, juste en face d’elle. La fille du rêve n’existait pas, pas vraiment et n’avait donc pas de nom. C’était la fille du rêve et rien de plus. Il en était de même pour les deux jeunes hommes. S’ils existaient réellement, elle souhaitait rester capable de différencier clairement la réalité de la fiction. Ainsi, les trois personnages de son rêve resteraient sans nom.

« Il y avait deux autres personnes. Je ne les connais pas. Je ne sais même pas si elles existent vraiment où si elles ont été produites par mon subconscient. En tous cas, je ne les ai jamais vues dans la réalité, mais c’était également le cas pour toi jusqu’à quelques minutes en arrière. » commença-t-elle. Voyant que Luna ne connaissait pas leur identité et qu’elle peinait à les décrire, Elizabeth l’interrompit pour préciser sa demande :

« Ou plutôt, dit moi a quoi ils ressemblaient, si c’était des garçons, des filles, la tailles, les cheveux etc.. » rectifia Elizabeth avec un sourire encourageant. Songeuse, Luna observa la fille du passé s’asseoir sur le muret qui les séparaient du vide et l’inviter silencieusement à la rejoindre. Acquiesçant d’un signe de tête, geste parfaitement inutile comme elle s’en rendit compte en le faisant, elle parcouru rapidement les quelques pas qui la séparaient du muret et s’assit aux côtés d’Elizabeth, posant ses deux mains à plat sur la pierre froide. Baladant son regard sur les étages inférieurs, elle resta quelques instants sans rien dire et sans bouger.

Puis, ayant rassemblé ses pensées, elle se retourna vers Elizabeth et prit doucement la parole. « Il y avait donc deux jeunes hommes. Tu étais au centre. A droite, le plus grand des deux, des yeux noisettes, des cheveux noirs, ébouriffés, des lunettes … » Elle s’arrêta brusquement remarquant soudain une ressemblance frappante. « Mais bien sûr, comment ne l’ai-je pas remarqué plus tôt ? » continua-t-elle, plus pour elle-même que pour Elizabeth. Puis, à l’intention de la Poufsouffle : « C’était le portrait craché de Harry. Harry Potter. Je suppose que c’était son père, c’était donc avant … » Elle s’interrompit à nouveau. Le père de Harry était peut-être l’un des proches d’Elizabeth et celle-ci ne connaissait pas forcément le destin tragique qui attendait cet homme et sa femme. Ne connaissant pas les parents de Harry, elle se demanda si Elizabeth était sa mère puis se rappela que celle-ci avait, paraissait-il, les mêmes yeux que son fils. Des yeux étonnamment verts, cela ne correspondait donc pas avec Elizabeth. Luna fut quelques peu soulagée de ne pas être en face de la mère de Harry car elle n’aurait pas aimé être celle qui lui apprendrait son malheureux destin. Elle se demanda toutefois quelle était la relation actuelle d’Elizabeth avec le père de Harry.

Remarquant le regard interrogateur de l’autre jeune fille suite à son interruption, elle reprit la parole : « Oui, donc celui de droite était le portrait craché de Harry. Celui de gauche était plus petit, plus mince, plus discret aussi. Lui aussi avait des cheveux noirs, un regard perçant et il avait un air noble et fier. L’autre aussi mais lui c’était plus … digne d’un Serpentard, je dirais. Je lui donnerais seize ans, peut-être dix-sept. Il semblait renfermé mais plutôt calculateur et réfléchi. C’est l’impression qu’il donnait, en tous cas. Je n’ai pas remarqué de signe distinctif. Est-ce que ces descriptions te parlent ? Est-ce que ça te dit quelque chose ? »

De nouveau, Luna laissa son esprit vagabonder. Les deux jeunes hommes existaient-ils dans la vie d’Elizabeth ? Étaient-ils venus dans le futur avec elle ? Si c’était le cas, Luna était curieuse de les rencontrer même si elle préférait éviter de recommencer ses explications trois fois.

« Au début de mon rêve, ils étaient tous deux à tes côtés, comme si tu étais un lien entre eux. Ils étaient près de toi et tu paraissais heureuse. »

Au fur et à mesure des descriptions de Luna, le visage d’Elizabeth semblait s’éclairer, comme si elle reconnaissait les visages qu’elle s’imaginait et que Luna dépeignait. Dès que la Serdaigle eut terminé, sa camarade confirma cette impression.

« Luna, je sais qui c’est, ce sont James Potter et Regulus Black, dis moi, dis moi dans ton époque ce qu’ils sont devenus. Ils sont là eux aussi, ils existent ! Mais je t’en prie dis moi ce qu’ils sont devenus.»

Ainsi les deux jeunes hommes étaient réels et bien vivants eux aussi. James Potter. Luna était convaincue qu’il s’agissait du père de Harry. Mais qui était ce Regulus ? Black, ce nom, elle le connaissait. Mais le prénom qu’elle associait naturellement à ce nom était celui de Sirius, le parrain de Harry. Ce Regulus était-il son frère, son cousin ? À force d’y penser, Luna se rappela une histoire que Harry lui avait racontée. Regulus était bien le frère de Sirius, mais Harry ne l’avait jamais connu, premièrement parce que lui et Sirius ne s’entendaient pas et deuxièmement, parce qu’il était mort. Comment était-il mort ? Luna ne se souvenait plus très bien de ce que Harry lui avait expliqué. Il avait d’ailleurs été très vague à ce sujet. Regulus avait été un mangemort mais avait trahi son maître et s’était retourné contre lui. Il en était mort mais Luna ne savait pas de quelle manière.

Luna évita la question en commençant à décrire le rêve. Mais la voix suppliante d’Elizabeth lui implorant de lui expliquer la fit frissonner et elle se stoppa dans son élan. Elle comprenait tout à fait ce désir malsain de vouloir à tout prix savoir même en étant avertie que la connaissance peut faire beaucoup de mal. Elle-même aurait sauté sur toute occasion de connaître son futur et elle était persuadée que cela arriverait tôt ou tard. Pour ces raisons, elle se décida à révéler à Elizabeth tout ce qu’elle souhaitait savoir. La jeune fille était assez grande pour assumer les conséquences de ses choix. Et elle paraissait si déterminée que Luna avait l’impression qu’elle ne la laisserait de toutes façons pas partir avant que son appétit de connaissance ne soit rassasié.

Un peu mal à l’aise, Luna modifia légèrement sa position sur le muret pour être plus en face d’Elizabeth, tout en réfléchissant à ce qu’elle allait lui dire. Comment annoncer à une jeune fille si innocente que deux personnes qui lui paraissaient chères allaient mourir prématurément ? Luna se trouvait face à une tâche relativement délicate. Décidant de ne pas faire attendre Elizabeth trop longtemps, elle se lança sans y réfléchir plus.

« James Potter s’est marié avec Lily Evans après leur sortie de l’école. Ils ont eu un seul fils Harry. » Autant commencer par un peu de positif avant d’annoncer les terribles nouvelles, se dit Luna. « Lorsque Harry eut un an … Lord Voldemort s’attaqua à leur famille. Il tua James et Lily puis tenta d’assassiner Harry mais n’y parvint pas. Harry survécut et Voldemort fut réduit à néant par ce bébé inoffensif. Je suis désolée de t’apprendre cette horrible histoire. » Elle s’interrompit quelques instants pour laisser à Elizabeth le temps d’assimiler ce premier coups de massue. Puis, sur un coup de tête, elle se rapprocha de la jeune Poufsouffle et passa son bras autour de ses épaules dans un geste se voulant réconfortant. « Sache que leur sacrifice n’a pas été vain et qu’ils n’ont pas été oubliés. Au fait, James et toi, vous … enfin, qui est James pour toi, si je ne suis pas trop indiscrète ? » Luna souhaitait qu’Elizabeth prenne pleinement conscience de ces révélations avant de continuer avec celles sur Regulus puis sur le rêve. C’était préférable qu’elle comprenne et assimile maintenant tant qu’elle pouvait poser toutes les questions qu’elle souhaitait plutôt qu’à un moment où elle se trouverait par exemple seul avec James qui n’aurait pas de réponses à lui donner.

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Elizabeth sembla choquée par les premières révélations de Luna. Un curieux mélange de stupéfaction, de haine et d’incompréhension s’afficha sur les traits doux de son visage. Mais aussi vite qu’ils étaient venus, tous ces sentiments furent balayés par un petit sourire suite à la question de Luna. La réponse d’Elizabeth ne se fit pas attendre et surprit quelque peu la Serdaigle.
« Non, James et moi ne sortons pas ensemble si c’est ce que tu veux savoir. James est mon meilleur ami. »

James Potter était pourtant connu pour être l’exemple même du Dom Juan, séducteur et impitoyable, attachant et destructeur. Luna l’imaginait mal se lier d’une amitié profonde et sincère avec une demoiselle, surtout si la demoiselle en question était autant innocente qu’Elizabeth. Mais si la jeune fille l’affirmait avec tant de conviction, c’était certainement vrai. La réputation de James ne correspondait peut-être qu’à la façade qu’il montrait au monde ou plutôt, au monde qui n’avait pas la chance de le connaître réellement.

Sans s’attarder plus longtemps sur le destin tragique de son meilleur ami, Elizabeth s’intéressa à celui de Regulus, montrant par là qu’elle était capable de supporter ces dures révélations sans flancher et de les accepter bien que ça ne soit pas facile à faire. Elle semblait très inquiète du sort du jeune homme, peut-être plus encore maintenant qu’elle savait celui de James. Elle confirma l’impression qu’avait Luna sur son attachement au Serpentard : « Et, pour Reg, nous sommes très proche l’un de l’autre si tu vois ce que je veux dire »

Elle prononça ces mots avec un petit sourire que ses yeux démentaient. Même si pour l’instant, la Poufsouffle parvenait à garder son calme de façade, Luna se doutait bien qu’une tempête intérieure balayait la volonté de sa camarade et elle se demandait quand elle finirait par se laisser aller. Luna savait que la fierté est un très bon support pour une volonté vacillante et cela permettrait peut-être à Elizabeth de conserver les apparences jusqu’à ce qu’elles se séparent. Ou peut-être pas. Dans tous les cas, Luna était prête à assumer les conséquences de ce qu’elle avait choisi de dire.

Sentant la réticence d’Elizabeth, Luna ne chercha pas à en savoir plus sur son affection pour Regulus et recommença son triste récit. « Je ne connais que très vaguement l’histoire de Regulus. Il a … » Luna se demanda un instant s’il était vraiment nécessaire de mentionner la soumission de Regulus au Lord noir puis décida qu’Elizabeth saurait puisqu’elle avait choisi de savoir. « Il est devenu un mangemort, sous la coupe de tu-sais-qui. Je ne sais pas si c’est à cause de sa famille, d’une quelconque obligation ou simplement par choix personnel. Si vraiment c’était par choix, c’était un mauvais choix fait par un adolescent indécis et un peu perdu car il a finalement changé d’avis. Il a trahi son maître et s’est retourné contre lui. Je suppose que c’était un acte très courageux mais malheureusement, il en est mort. »

Luna marqua une pause à la fois par respect pour les morts qu’elle avait évoqués et pour laisser un peu d’intimité à Elizabeth. Elle tenta de s’imaginer ce qu’elle ressentirait si on lui annonçait soudain la mort prochaine de Neville et Ginny ou de toute autre personne dont elle était vraiment proche. Elle n’y parvint pas mais se dit que le sentiment provoqué par une telle révélation devait certainement être dévastateur car le simple fait d’imaginer cette possibilité lui faisait déjà mal. Compatissante bien qu’elle sache que rien ne pouvait guérir la perte d’un être cher ou plutôt, dans ce cas, la perspective de la perte, elle chercha quelques mots pour tenter de réconforter Elizabeth.

« Tu sais, ils sont là. Profite de chaque instant. Tant que vous êtes bloqués ici, rien ne leur arrivera. Et avant que tu ne demandes, je ne connais rien de ton futur. »

Elle fit une pause, laissant ses pensées revenir à son étrange rêve. Connaissant l’identité des deux jeunes hommes, elle entrevoyait maintenant une signification nouvelle à ce songe insensé.

« Je comprends maintenant. Mon rêve. C’est étrange à dire mais on dirait une sorte d’avertissement. Ils s’éloignent. Tu ne peux les retenir. Et tu essaies tellement désespérément que ça finis par te détruire intérieurement. Je pense qu’il faut que tu évites cela. Tu dois vivre. D’abord vivre chaque moment avec eux, chaque mot, chaque sourire, chaque effleurement. Mais surtout, tu ne dois pas penser à la suite, à ce que tu sais. Ou du moins essayer d’y penser le moins possible. Et après, tu devras vivre encore. Accepter pour continuer, te reconstruire. Vivre. »

Luna conclut son discours en prenant les mains d’Elizabeth dans les siennes et en les serrant en signe de soutien, comme pour lui transmettre la force qui pourrait lui manquer.

Une larme coula sur la joue d’Elizabeth. Luna sentait que ses barrières étaient peu à peu en train de s’effondrer et que la jeune fille allait bientôt craquer. Sans prendre la peine d’essuyer la trace salée sur son visage, la Poufsouffle articula difficilement l’horreur qu’elle ressentait face à ces révélations, d’une voix tendue et un peu saccadée. Quand Luna s’arrêta de parler, Elizabeth paraissait terriblement perdue, ravagée par un ouragan de sentiments qui la secouait dans tous les sens, tel un frêle esquif balloté par les rouleaux de l’océan tempétueux, et dont elle ne savait pas comment s’extraire. Malgré tout, la Poufsouffle sembla se reprendre et parvint à maîtriser sa voix le temps de remercier Luna et de lui annoncer ses résolutions.

La Serdaigle était confuse. Sa camarade n’avait clairement pas accepté les faits que Luna lui avait annoncés mais elle semblait prête à leur faire face dignement ou au moins du mieux qu’elle pouvait. Toutefois, Luna avait remarqué qu’Elizabeth avait été fragilisée par ces dures nouvelles et que si elle parvenait à s’en remettre, ça serait un processus long et difficile.

Comme pour approuver cette conclusion, le pâle sourire d’Elizabeth s’effaça et ses lèvres se mirent à trembler. Jetant un regard furtif à l’annonciatrice de ces malheurs, elle ferma brièvement les yeux et prit une grande inspiration comme pour tenter de retrouver son calme. Elle n’y parvint pas et le simple fait de poser à nouveau ses yeux sur le visage grave encadré de longs cheveux blonds suffit à ce que sa vision se trouble à cause de l’eau dans ses yeux. Par respect, Luna détourna le regard, lui accordant un peu d’intimité suite à cette mise à nu de son futur. La Serdaigle ne trouvait plus les mots ou les gestes qui auraient pu réconforter la jeune fille. À ce niveau de douleur, le processus de récupération est à accomplir par soi-même et il n’y a pas grand-chose qui puisse être fait par les autres, si ce n’est une présence vague indiquant simplement le soutien en cas de besoin. Luna tentait donc de s’effacer tant qu’Elizabeth ne requérait pas explicitement sa présence active.

Elle entendit soudain sa respiration devenir de plus en plus saccadée et ne put s’empêcher de se retourner vers elle. La jeune Poufsouffle du passé semblait finalement avoir perdu toute maîtrise de ses sentiments et la façade qu’elle s’était bâtie et qu’elle avait conservée et raccommodée de son mieux jusqu’à là paraissait finalement sur le point de voler en éclats. Et en effet, Elizabeth enfouit brusquement son visage dans ses mains et se leva d’un bond. Elle tenta de dire quelque chose à Luna, se ravisa et brusquement, elle tourna les talons et s’enfuit en courant, laissant enfin son chagrin s’échapper entre ses doigts écartés.

Décontenancée Luna se leva, prête à la rattraper, puis se rendant compte de l’inutilité de cette option, resta où elle se tenait, laissant le bruit des sanglots diminuer dans le lointain. Pendant un moment encore après la disparition de la fille de son rêve, elle resta debout là, sans bouger, les yeux dans le vide et ne pensant à rien. Puis enfin, elle inspira longuement, rejeta ses longs cheveux en arrière et partit lentement dans la direction opposée à celle qu’Elizabeth avait empruntée quelques minutes avant.

Elle s’interrogeait sur ce qu’elle avait fait. Avait-elle eu raison d’aborder Elizabeth et de finir par lui révéler tout cela ? N’aurait-elle pas mieux fait de passer son chemin et de ne pas blesser la Poufsouffle aussi profondément même si cela impliquait de ne pas avoir de réponse à ses propres questions ? Selon son habitude, Luna balaya rapidement ses interrogations. Ce qui est fait est fait et c’est sans regrets qu’elle prit la direction de la salle de métamorphose, devant laquelle Neville lui avait donné rendez-vous et devait certainement être en train de l’attendre. Elle se promit toutefois de surveiller l’évolution de l’humeur d’Elizabeth et de faire ce qu’elle pourrait pour remonter le moral de la jeune fille.

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